La France reste enfumée

Le bilan est mitigé cinq années après la mise en place de l'interdiction du tabac dans les lieux publics.
Le bilan est mitigé cinq années après la mise en place de l'interdiction du tabac dans les lieux publics. © MAXPPP
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Marion Sauveur
Cinq ans après l'interdiction de fumer dans les lieux publics, le bilan est en demi-teinte.

Toujours plus de consommateurs de cigarettes, des non-fumeurs qui se disent enfumés et une baisse peu significative du nombre d'infarctus : cinq ans après l'interdiction de fumer au travail et quatre ans après son extension aux restaurants et bars, le constat est mitigé. Et ce, même si les associations anti-tabac jugent l'impact de la loi "globalement positif", Europe1.fr fait le point.

Les fumeurs sont plus nombreux. La législation est restée sans effet notable sur le nombre de fumeurs. Les militants anti-tabac dressent un "zéro pointé" quant à un effet sur le tabagisme actif. Pire, les Français sont encore plus nombreux à fumer : en 2010, 30% des Français âgés entre 18 et 75 ans fumaient quotidiennement contre 28% en 2005, selon les chiffres de l'INPES.

Seule amélioration notable : le nombre de cigarettes fumées quotidiennement par les fumeurs réguliers. Il a baissé, passant de 15,3 en moyenne en 2005 à 13,8 en 2010.

Les non-fumeurs n'échappent pas à la fumée. L'interdiction de fumer dans les lieux publics avait pour objectif, entre autres, de protéger ceux qui ne sont pas adeptes de la cigarette. Effet raté. Car, selon un sondage Harris interactive réalisé pour l'association Droits des non fumeurs (DNF), plus d'un salarié sur trois (36%) déclare avoir été exposé à la fumée de tabac sur son lieu de travail au cours des six derniers mois.

Un chiffre qui a fortement progressé, car en 2009, ils étaient 21% à assurer avoir été exposés. Et ce, alors qu'en 2008, peu après l'interdiction, le taux d'exposition au travail avait été évalué à 9%, dans le cadre d'une enquête baptisée Imets. Pourtant, un salarié qui ne respecte pas la loi encourt une amende qui peut atteindre 450 euros, et le responsable des lieux jusqu'à 750 euros.

Le nombre de non-fumeurs exposés au tabac grimpe même à 64% au-delà du cadre professionnel, rapporte l'enquête. 44% des sondés disent avoir été exposés au tabac sur les quais de gare, 32% dans les restaurants, cafés et brasseries et 20% dans les transports en commun.

Les effets de l'interdiction semble s'essouffler faute au "manque de contrôles et aux nombreuses dérives", selon DNF.

Plus de litiges entre voisins. Si les non-fumeurs se plaignent d'être fortement exposés à la fumée de cigarettes dans les lieux publics, ils estiment qu'ils le sont de plus en plus également dans les lieux privés. Deux Français sur trois qui habitent dans un appartement affirment ainsi avoir déjà été exposés à la fumée de cigarettes de leurs voisins dans leur immeuble, affirme l'enquête d'Harris Interactive. Plusieurs affaires ont alors été portées devant la justice.

Pas d'effet bénéfique sur la santé des Français. La nouvelle législation n'a visiblement pas permis une baisse significative des infarctus. C'est ce que révèle une étude datant de 2010. Ainsi, "depuis 2003, les hospitalisations pour infarctus ont diminué régulièrement en France, mais il n'y a pas eu de cassure nette en 2007 et 2008", estime le Professeur Daniel thomas de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière.

Et ce, contrairement à la plupart des pays qui ont instauré une interdiction de fumer dans les lieux publics. Car la France a instauré une législation en plusieurs temps, avec la mise en place de la Loi Evin en 1991, avant la prohibition de fumer dans les entreprises en 2007 et celle de fumer dans tous les lieux publics un an après.