La décision de Trump sur Jérusalem peut-elle sceller la réconciliation entre Palestiniens ?

Près d'un checkpoint à Ramallah, en Cisjordanie, de jeunes Palestiniens lancent des pierres aux forces de sécurité israéliennes.
Près d'un checkpoint à Ramallah, en Cisjordanie, de jeunes Palestiniens lancent des pierres aux forces de sécurité israéliennes. © AFP
  • Copié
O.G , modifié à
Si les réactions des partis palestiniens à la décision de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël ont été unanimes, les divisions entre Fatah et Hamas continuent de perdurer.  

La décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël "a ouvert les portes de l’enfer". Alors que la plupart des formations politiques palestiniennes avaient appelé dès mercredi à une grève générale et à des manifestations dans les territoires occupés, le Hamas s’est montré plus offensif. Dans les mots et dans les intentions, avec l’appel, jeudi, à une "nouvelle intifada" contre Israël.

Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas s’est de son côté exprimé dans des termes plus modérés, estimant que les États-Unis ne pouvaient "plus jouer un rôle" dans le processus de paix au Proche-Orient. Depuis mercredi et la prise de position de Washington sur Jérusalem, les réactions entre le mouvement islamiste Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, et le Fatah ont divergé dans le style et dans les mots. Une divergence datée de 2006 et la guerre fratricide qui a opposé les deux partis, après la victoire du mouvement islamiste aux élections législatives. Malgré les Accords du Caire en 2011 et de Doha en 2012, censés réconcilier les frères ennemis, la seule entité reconnue reste celle du Fatah, qui dirige en Cisjordanie l’Autorité palestinienne.

Un Hamas affaibli qui a besoin du Fatah. "La décision de Trump devrait, en théorie, unifier les Palestiniens", explique pour Europe 1.fr Kassam Wmaaddi, journaliste palestinien pour le mensuel Al-Itijah, basé en Cisjordanie. "Les porte-parole de toutes les forces politiques palestiniennes ont eu des réactions unanimes sur Jérusalem mais ils restent divisés", constate-t-il. Encore opposés il y a quelques semaines, le Fatah et le Hamas ont pourtant signé le 12 octobre au Caire un accord de réconciliation, qui doit mettre fin à dix années de dissensions destructrices. Ainsi, à partir du 1er décembre, l’Autorité palestinienne, entité internationalement reconnue et qui préfigure un État palestinien indépendant, doit assumer "toutes les responsabilités" d’un Hamas affaibli par des années de blocus israélien, dans la bande de Gaza.

"Le Hamas a désormais un appareil politique affaibli, suite au blocus imposé par Israël et à la perte de ses alliés égyptiens et qataris", et a besoin du Fatah, décrypte pour Europe 1 Jean-Paul Chagnollaud, président de l’iReMMO (Institut de Recherche et d’Études Méditerranée Moyen-Orient) qui estime que dans le contexte actuel, le Fatah et le Hamas ont pourtant "tout intérêt à renforcer leur réconciliation".

Pour Abbas, la décision américaine est "une douche froide". "Il est évident qu’avec la décision prise par Trump, Mahmoud Abbas et l’Autorité palestinienne sont aussi affaiblis", nuance-t-il. Pour le président de l’Autorité palestinienne, "c’est une douche froide" puisque la politique de Mahmoud Abbas "a toujours été d’attendre un soutien des États-Unis qui n’est jamais arrivé", explique Jean-Paul Chagnollaud. Pourtant, "Trump ne fait qu’appliquer une promesse de campagne et qui s’inscrit dans le projet d’un accord final de paix qu’il a appelé 'The deal of the century' [le deal du siècle, ndlr]", relativise Kassam Wmaadi.

Si l’Autorité palestinienne d’Abbas a conservé une attitude diplomatique, le Hamas risque, quant à lui, d’être dans une "rhétorique d’intifada" et d’appels à la violence, estime Jean-Paul Chagnollaud.  Si l’analyste palestinien Ghassan Khatib juge actuellement "peu probable" la possibilité d'un soulèvement similaire à ceux de 1987 et 2000, des heurts ont toutefois éclaté vendredi à Jérusalem et en Cisjordanie. Décrété "jour de rage" par les Palestiniens, manifestants et forces israéliennes se sont violemment opposés et un Palestinien a été tué dans la bande de Gaza. 

Un monde musulman réunit autour d’une cause commune ? Si les Palestiniens cherchent encore la voie de l’unité pour faire face à Trump, les pays arabo-musulmans ont décidé de faire front. "Chaque pays a également sa carte à jouer", analyse Jean-Paul Chagnollaud.  Dès mercredi, le président turc Reccep Tayyip Erdogan, s’est entretenu au téléphone avec des dirigeants de Malaisie, de Tunisie du Qatar, d’Arabie Saoudite, du Pakistan et d’Indonésie. La Jordanie, gardien des lieux saints musulmans de Jérusalem, a demandé à la Ligue arabe une réunion d’urgence des 22 pays membres qui doit se tenir samedi.

"Il y aura forcément une manifestation d’unité", prévient Jean-Paul Chagnollaud.  Vendredi, de Turquie à l’Afghanistan en passant par la Malaisie, des musulmans du monde entier se sont réunis pour protester contre la décision de Donald Trump.  Tiraillée par son alliance avec les États-Unis, l’Arabie saoudite a malgré tout fermement condamné la décision de Donald Trump sur Jérusalem. Pour Kassam Wmaaddi, au milieu de cette compétition où chacun veut se présenter comme "le défenseur de Jérusalem", les Palestiniens sont désormais "seuls" face à Trump.