Inde : un documentaire sur le viol d'une étudiante en 2012 interdit

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avec AFP , modifié à
L'un des condamnés y affirme que la victime était responsable de son viol. La justice indienne craint des troubles à l'ordre public.

Pas encore diffusé, le documentaire a d'ores et déjà un écho mondial. India's Daughter retrace le viol collectif d'une étudiante dans un bus qui a mis l'Inde en émoi, en 2012. Mais la justice indienne a décidé mardi soir d'en interdire la diffusion dans le pays.

Le ministre de l'Intérieur, Rajnath Singh, a estimé mercredi devant le parlement que les propos de Mukesh Singh, l'un des quatre condamnés à mort, "étaient très insultants et un affront à la dignité des femmes". "Le gouvernement condamne" ce documentaire. Selon un porte-parole de la police, qui a annoncé l'interdiction, "nous n'avons vu que des extraits promotionnels du film. A partir de cela, nous avons porté la question devant la justice car nous pensons qu'il pourrait provoquer la crainte d'une atteinte à l'ordre public", a-t-il dit. Ce documentaire va notamment montrer "une interview très contestable du violeur condamné", a poursuivi le porte-parole.

"Les filles sont responsables des viols". Dans une interview sur son documentaire diffusé mercredi soir sur BBC 4, la réalisatrice Leslee Udwin a rapporté les propos de Mukesh Singh (troisième en partant de la gauche), le conducteur du mini-bus dans lequel a été violée la jeune femme. Selon lui, "une fille respectable ne doit pas traîner dans les rues à 21 heures. Les filles sont bien plus responsables des viols que les garçons". Avant d'ajouter : "Les gens avaient lui droit de lui donner une leçon". Mukesh Singh se dit même capable de chiffrer la proportion de "filles bien" : seules 20% des femmes méritent le respect, selon lui.

Inde viol collectif

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La réalisatrice britannique a expliqué avoir été très choquée par les propos du jeune Indien interviewé. Non seulement, il n'a semblé montrer aucun remord, mais il a même déclaré qu'une fille, "lorsqu'elle est violée, ne devrait pas se débattre. Elle devrait juste se taire et laisser faire le viol". Le chauffeur du mini-bus, condamné en première instance, a estimé devant la caméra que "l'application de la peine de mort pour les violeurs rendra les choses encore plus dangereuses pour les femmes. Maintenant, quand [les hommes] violeront, ils ne laisseront pas partir la fille, ils la tueront".

Une indignation mondiale qui inspire la réalisatrice. La jeune étudiante violée dans le mini-bus à New Delhi rentrait du cinéma à 20h30 lorsqu'elle est montée à bord du véhicule en compagnie d'un ami. Elle a été sauvagement violée tandis que le jeune homme qui l'accompagnait était sévèrement battu. La jeune femme de 23 ans est morte de ses blessures internes plusieurs semaines après le viol.

Ce crime a suscité une vague d'indignation inédite en Inde. Des manifestations de grande ampleur ont incité le gouvernement à adopter des lois punissant plus sévèrement les auteurs de viol. Cette mobilisation sans précédent a poussé Leslee Udwin à s'intéresser à ce crime et à "abandonner sa famille" pendant les deux années de tournage, explique-t-elle à la BBC. Contactée par Reuters, elle s'est dite attristée par l'interdiction prononcée par le tribunal de New Delhi.

Selon The Guardian, son film sera diffusé simultanément mercredi soir dans sept pays, dont la Grande-Bretagne, la Suisse, le Canada, la Norvège. Les Indiens, eux, ne pourront pas le voir.