L'Espace a besoin d'un bon coup de balai

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Charles Carrasco avec AFP , modifié à
SCIENCES -  Des morceaux de fusées, des satellites ou des outils finissent en orbite autour de la Terre.

L'INFO. C'est un cri d'alarme lancé par de nombreux experts internationaux. Il faut agir rapidement pour réduire le nombre des débris spatiaux tournant autour de la Terre car ils risquent de polluer certaines orbites dans quelques décennies, s'inquiètent jeudi de nombreux experts à l'issue d'une réunion en Allemagne.

Des centaines de milliers d'objets en orbite. Morceaux de fusées, satellites en fin de vie, outils perdus par des astronautes... Plus de 23.000 débris de plus de 10 cm sont actuellement recensés par la Nasa ou l'ESA, dont la majorité sur les orbites basses (en dessous de 2.000 km) utilisées par les satellites d'observation de la Terre ou la Station spatiale internationale (ISS). Quant aux objets compris entre 1 cm et 10 cm, ils se comptent même par centaines de milliers.

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Quels sont les risques ? Ces objets sont les résidus des quelque 4.900 lancements effectués depuis le début de l'ère spatiale qui, sous l'effet de dislocations et de collisions en chaîne, ce qu'on appelle "le syndrome de Kessler", n'ont cessé de se multiplier. Depuis 1978, "leur nombre a triplé" avec "un risque de collision démultiplié", avertit Heiner Klinkrad, directeur du département des débris spatiaux à l'Agence spatiale européenne (ESA). "Il suffirait de quelques décennies pour qu'un tel environnement devienne instable", a-t-il souligné durant la 6e Conférence européenne sur les débris spatiaux. Certains fragments sont de taille apparemment inoffensive mais qui, lancés à une vitesse moyenne de 25.000 km/h, peuvent sérieusement endommager un satellite, soulignent les spécialistes.

Chaque année en moyenne, l'ISS est contrainte de réaliser une "manœuvre d'évitement" pour échapper à une collision potentielle. Et selon l'ESA, une dizaine d'objets s'approchent à moins de 2 km d'un satellite toutes les semaines. Or, si les lancements se poursuivent au rythme actuel et que rien n'est fait pour limiter le nombre de débris, le risque de collision pourrait à terme être multiplié par 25, selon les projections des agences spatiales. Pire, même si on arrêtait tout net les lancements aujourd'hui, le nombre de débris continuerait à augmenter par le seul jeu de "l'effet Kessler".

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Comment faire le ménage ? Pour traiter le problème, il est nécessaire d'une part de placer systématiquement les satellites désactivés sur des "voies de garage", où ils ne gêneront pas et finiront par se désintégrer dans la haute atmosphère terrestre. Mais il faut aussi débarrasser l'espace des plus gros débris, au rythme de cinq à dix objets chaque année si on veut stabiliser la situation.

"Il y a un consensus fort sur la nécessité urgente d'agir dès à présent pour commencer à enlever ces débris", a assuré Heiner Klinkrad. Pour ce faire, l'ESA et d'autres agences spatiales étudient déjà diverses solutions pour dévier la trajectoire des débris vers l'atmosphère : bras robot, pince géante, moteur fixé sur le débris, harpon ou filet de remorquage, voire un canon à ions bombardant l'objet pour infléchir sa course.

Certains envisagent même de doter le débris d'une voile solaire qui ferait office de parachute pour le freiner et le contraindre à perdre de l'altitude. Tout ceci aura bien sûr un coût, mais un coût bien inférieur à celui des satellites potentiellement détruits par des débris (100 milliards de dollars environ), dont de nombreux pays sont extrêmement dépendants pour la télévision, ou les télécommunications par exemple. Mais dans le meilleur des cas, ces "missions de nettoyage" ne rentreront pas en service avant une dizaine d'années.