L'après-Pinochet divise toujours le Chili

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Frédéric Frangeul avec agences , modifié à
Les familles des victimes réclament une justice qui tarde à venir, 40 ans après le coup d’Etat.

L’INFO. Il y a tout juste 40 ans, le 11 septembre 1973, le général Augusto Pinochet s’emparait du pouvoir au Chili à la faveur d’un coup d’Etat sanglant, chassant le président socialiste Salvador Allende. La dictature alors mise en place, par Augusto Pinochet jusqu’en 1990, a fait plus de 3.200 morts, 38.000 torturés et des centaines de disparus. Pour que la lumière soit faite sur leur sort, de nombreux Chiliens continuent de se battre. Mais leur combat ne fait pas l’unanimité.

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Une mobilisation qui ne faiblit pas. Dimanche dernier, plusieurs dizaines de milliers de Chiliens ont défilé à Santiago pour la défense des droits de l'Homme. Des pancartes proclamaient: "Quarante ans après le coup d'Etat, rien ni personne n'est oublié". Les manifestants, portant des banderoles et scandant des slogans contre la dictature ont défilé pendant près de deux heures au rythme des tambours, avant d'arriver au cimetière principal de Santiago, dans lequel se trouve un mémorial consacré aux victimes de la dictature.

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Une  pétition en ligne. Pour aider les proches victimes, Amnesty International a lancé une pétition visant "à en finir avec l’impunité" au Chili. Concrètement, elle demande l’abrogation du décret-loi de 1978 ainsi que toute autre mesure octroyant une grâce aux auteurs présumés de violations de droits humains. Cette pétition, qui restera en ligne jusqu’à la fin du mois de septembre, a déjà rassemblé plusieurs milliers de signatures. A ce jour, indique Amnesty International, au moins 262 personnes ont déjà été condamnés pour des violations des droits humains, et plus de 1.100 procédures judiciaires sont en cours.

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Des commémorations distinctes...Reste que la question de la dictature reste un sujet sensible au Chili malgré la mort de Pinochet en 2006. Pour preuve, les commémorations du 40e anniversaire du coup d’état ne se sont pas faites sous un front uni.  Une cérémonie s'est ainsi déroulée dimanche au Palais présidentiel de la Moneda, en présence du chef de l’Etat Sebastian Piñera, de centre-droit, tandis que la gauche chilienne s'est, elle retrouvée autour de l'ex-présidente socialiste Michelle Bachelet, candidate à la présidentielle du 17 novembre, au Musée de la Mémoire. "Je crois que les conditions n'étaient pas réunies pour une seule commémoration, parce que ce pays est encore divisé", a estimé Isabel Allende, fille de l'ex-président et sénatrice du Parti socialiste.

Et des analyses différentes. Les deux rassemblements ont donné lieu à une passe d’armes entre les deux leaders. "Cette douloureuse fracture de notre démocratie n'a pas été quelque chose de soudain, d'intempestif ou de surprenant", a souligné le président Piñera. "Ce fut plutôt la conclusion prévisible, bien que pas nécessairement inévitable, d'une longue et douloureuse agonie des valeurs républicaines", a ajouté le chef de l’Etat, dont le gouvernement compte trois anciens ex-collaborateurs ou sympathisants déclarés de la dictature.

Une vision que ne partage pas la socialiste Michelle Bachelet. "Il n'est pas juste de parler du coup d'Etat comme d'une fatalité inévitable", a répondu l’ex-présidente. Avant d’ajouter : "Pour assurer la continuité et soutenir la démocratie, il aurait fallu davantage de démocratie, pas un coup d'Etat ". "Les responsabilités de l'instauration de la dictature, les crimes commis par des agents de l'Etat, la violation des droits de l'homme ne sont pas justifiables, ne sont pas inévitables et sont la responsabilité de ceux qui les ont commis et de ceux qui les ont justifiés", a-t-elle ajouté.