L’accord entre l’UE et l’Ukraine ratifié … et allégé

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RAPPORT DE FORCE - Sous la pression de Moscou, le jeu diplomatique a poussé Kiev et Bruxelles à alléger les clauses de l’accord qui les lie.

Il est la pomme de discorde qui a empoisonné les relations entre Kiev et Moscou ces dernières années. L’accord d’association entre l’Ukraine et l’UE (en anglais), signé cet été, a été ratifié mardi à la Rada (le parlement de Kiev). Il sera soumis dans la foulée au Parlement européen.

Que contient cet accord ?

La promesse d’une future zone de libre-échange entre l’UE et l’Ukraine. Si à l’origine, l’accord, qui comprend des volets politique et commercial, devait entraîner l’ouverture d’une zone de libre-échange entre l’UE et l’Ukraine dès le 1er novembre, le jeu des relations diplomatiques et la pression du Kremlin en ont décidé autrement. La zone de libre-échange ne sera pas effective avant fin 2015, comme l’a annoncé la Commission européenne. En contrepartie, Bruxelles a prolongé jusqu’à fin 2015 la réduction des taxes douanières sur certains produits ukrainiens. Les produits européens seront en revanche toujours soumis aux droits de douanes de Kiev. Exactement ce que souhaitait la Russie.

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Une concession qui ouvre la boîte de Pandore ? Ce report irrite certains parlementaires européens, qui comme le député polonais Jacek Saryusz-Wolski craignent que ce délai imprévu obtenu par Moscou ouvre la boîte de Pandore : "c’est un très mauvais précédent, à la fin de 2015 ils peuvent demander une prolongation et avoir plus de droit de regard des Russes dans tout ce qui est relation entre l’Union européenne et l’Ukraine", s’est-il inquiété sur RFI.

Pourquoi un tel report ?

Pour ménager la susceptibilité de la Russie. Cet accord d’association est en effet au cœur du triangle des relations russo-ukraino-européennes depuis la fin des années 90. Depuis 2007, l’Union Européenne tente d’ajouter un volet commercial et économique à cet accord de "partenariat et de coopération" qui comprend des volets juridiques et culturels. Une tentative qui avorte une première fois lors du sommet de Vilnius en Novembre dernier. A l’époque, le président Viktor Ianoukovitch, réputé proche de Moscou, refuse de signer l’accord tandis que la Russie fait miroiter la perspective de l’inclusion de l’Ukraine dans une union douanière (Russie, Biélorussie, Kazakhstan).  

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Si entretemps, le nouveau président Porochenko a signé l’accord, un autre revirement s’est produit lors d’une réunion tripartite entre l’UE, le gouvernement ukrainien, et le Kremlin. Au sortir de cette entrevue, les représentants de la Commission ont annoncé le report de la mise en place de cette zone de libre-échange. Alors que le président ukrainien Porochenko promettait quelques heures plus tôt qu’il entrerait bien en vigueur au 1er novembre.

Quelles sont les conséquences d’un tel revirement ?

Des tensions au sein de la population ukrainienne. Pour ce pays politiquement divisé, le choix entre une union douanière avec la Russie et une zone de libre-échange est difficile à faire. En témoignent les réactions d’une partie de la population ukrainienne après la reculade de Viktor Ianoukovitch de l’été 2013. Sa volte-face a attisé la colère des partisans d’un rapprochement avec l’Europe qui a nourri l’émergence du mouvement Euromaïdan en février dernier. Quand finalement, l’accord d’association a été signé en juin dernier par le nouveau président ukrainien Petro Porochenko, la nouvelle a suscité au contraire la colère des populations qui soutiennent un rapprochement avec la Russie.

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Et de l’instabilité politique. Aujourd’hui, l’annonce du report de l’entrée en vigueur de la zone de libre-échange provoque des remous au sein de la classe politique. L'opposition proche de l'ancien régime a saisi l'occasion pour dénoncer le "cynisme" des nouveaux dirigeants du pays. "Le pouvoir a fait ce pour quoi Ianoukovitch a été déchu", s'est insurgé l'ancien vice-Premier ministre Boris Kolesnikov, cité par l'agence Interfax-Ukraine. Dans le camp de la majorité, les critiques fusent aussi puisque le vice-ministre ukrainien des affaires étrangères a présenté sa démission, en expliquant que « ce report envoie un mauvais signal à tout le monde : à l’agresseur (la Russie), aux alliés, et le plus important, aux citoyens ukrainiens. »