Quatre morts au Kenya, l'opposition crie à la fraude électorale après la réélection du président sortant

Heurts au Kenya, Nairobi (1280x640)
Les deux manifestants tués "faisaient partie d'un groupe qui manifestait. (...) Plusieurs d'entre eux étaient aussi des voleurs qui profitaient de la situation". © CARL DE SOUZA / AFP
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avec AFP , modifié à
Les tensions au Kenya ont pris une tournure dramatique mercredi avec la mort de quatre hommes, dont deux manifestants, abattus par la police.

Quatre personnes ont été tuées mercredi au Kenya dans deux incidents séparés, après le rejet par l'opposant Raila Odinga des résultats provisoires de la présidentielle donnant le sortant Uhuru Kenyatta largement en tête. Au lendemain de l'élection, la police a tiré des grenades lacrymogènes contre des centaines de manifestants rassemblés dans des fiefs de l'opposition coutumiers de ce genre d'échauffourées en période électorale, notamment à Kisumu.

Deux incidents distincts. Mais dans le bidonville de Mathare, à Nairobi, la police a aussi tiré à balle réelle, tuant au moins deux personnes. Le chef de la police de Nairobi a assuré qu'ils avaient tenté d'attaquer des policiers "avec des machettes". Une source policière requérant l'anonymat a dit qu'ils faisaient partie d'un groupe venu manifester, au sein duquel se seraient trouvés des voleurs profitant du chaos. Dans le comté de Tana River, des hommes armés de couteaux ont attaqué un bureau de vote où le comptage était encore en cours. Deux d'entre eux ont été tués par la police. "Nous n'avons pas encore établi le mobile", a déclaré Larry Kieng, chef régional de la police, interrogé sur une possible attaque des islamistes somaliens shebab, très actifs dans la zone.

Accusation de fraude. La Commission électorale (IEBC) a publié mercredi en soirée les résultats transmis électroniquement par près de 97% des bureaux de vote, créditant le président sortant Uhuru Kenyatta de 54,31% des suffrages, contre 44,81% pour Raila Odinga, sur un total de 14,7 millions de votes comptabilisés. Ces résultats provisoires doivent encore être validés sur la foi des procès-verbaux des bureaux de vote. "Il s'agit d'une fraude d'une gravité monumentale, il n'y a pas eu d'élection", a dénoncé Raila Odinga. Ces accusations, combinées aux manifestations, font resurgir le spectre des violences de la présidentielle de 2007.

Selon le rival d'Uhuru Kenyatta, des pirates informatiques ont "manipulé" le système de comptage des voix grâce aux codes d'accès d'un responsable informatique de la Commission électorale assassiné un peu plus d'une semaine auparavant. Ces allégations ont cependant été démenties en soirée par l'IEBC. "Notre système de gestion des élections est sécurisé. Il n'y a eu aucune interférence interne ou externe à notre système, à quelque moment que ce soit, avant, pendant ou après le vote", a affirmé Ezra Chiloba, le directeur exécutif de la commission. La collecte des procès-verbaux de chaque bureau de vote pourrait prendre plusieurs jours.

Manifestations virulentes. Pendant ce temps, à Kisumu (ouest), un des bastions de l'opposition, des centaines de partisans de Raila Odinga ont érigé des barricades et brûlé des pneus. "Si Raila n'est pas président, nous ne pouvons pas avoir la paix", a vitupéré l'un d'eux avant que les gaz lacrymogènes de la police ne dispersent la foule. A Nairobi, la police anti-émeute, déployée dans plusieurs bidonvilles, est intervenue à Mathare et Huruma, dans le nord-est de la capitale. Les missions d'observation internationales, dont celles de l'Union européenne et de l'Union africaine, ont appelé dans un communiqué commun "tous les citoyens kényans à rester engagés envers la paix et l'intégrité du processus électoral".