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Mélanie Nunes, édité par Ugo Pascolo
Depuis l'affaiblissement de l'Etat islamique en Syrie et en Irak, l'organisation concentre ses actions sur la capitale afghane avec des recrutements massifs et des attentats meurtriers chaque semaine.
L'ENQUÊTE DU 8H

Il est désormais le pays des attentats. L'Afghanistan est devenu la cible principale de l'Etat islamique (EI), qui est fragilisé en Syrie et en Irak, avec 763 civils tués entre janvier et mars selon l'ONU, deux fois plus qu'en 2017 sur la même période et pas moins de 400 enlèvements par mois. Avec des recrutements massifs et des attentats meurtriers chaque semaine, Kaboul est donc devenue la capitale des attentats. Notre envoyée spécial a passé quelques jours sur place, elle a pu mesurer le risque permanent qui pèse sur la capitale.

Les ambassades endommagées. Si Kaboul est devenue la cible privilégiée de l'EI, c'est parce que chaque attaque y a un impact immédiat. Kaboul, c'est la capitale de l’Afghanistan : on y croise des occidentaux, ONG, militaires, mais aussi le pouvoir économique afghan. La ville porte les stigmates de cette guerre : il n'est pas rare de voir des habitants démunis qui mendient au pied de leurs immeubles effondrés. Même les ambassades, de France ou d'Allemagne sont endommagées. Tous les bâtiments sont touchés. "Des hôtels, des hôpitaux, des mosquées, et même la semaine dernière un attentat en plein match de criquet", explique Sophie, qui effectue régulièrement des allers-retours entre Paris et Kaboul depuis sept ans pour la "Chaîne de l'Espoir", une association française qui donne accès à des soins et à une éducation à des enfants démunis.

Ils sont partout autour de nous, on ne peut pas les reconnaître

"Des assaillants à peine majeurs". Lors de cette attaque, huit personnes dont des enfants tués sur le coup et des assaillants à peine majeurs. "Les terroristes sont très jeunes, ils ont 16 ans voire 14 ans. Ils sont partout autour de nous, on ne peut pas les reconnaître, mais sans soutien ils ne pourraient rien faire ici", souffle Sabera, 72 ans,  qui n'est pas sortie de chez elle depuis un mois. "En 2011, je pouvais me promener, faire mes courses ou boire un café en terrasse, aujourd'hui je me déplace en voiture blindée et je ne peux plus marcher dans la rue", explique Sophie. 

Un Afghan sur trois n'a pas de travail. Pour agir, les combattants de l'Etat islamique s'immiscent dans la population : certains se déguisent en policiers, ambulanciers, en journaliste, pour passer discrètement les checkpoints avant de se faire exploser. La plupart du temps les attentats se font en deux temps, une première explosion, puis cynisme absolu, une deuxième un peu plus tard quand les secours arrivent sur les lieux, pour faire un maximum de victimes. Comme souvent, l'EI prospère sur le marasme économique de l'Afghanistan, où une personne sur trois est sans travail. "Les recrues sont payées au minimum 350 dollars. Ici à Kaboul, il y a des jeunes qui sont prêts à travailler pour moins de 50 dollars par mois", explique Mati, qui a réchappé à trois attentats. "Donc si on arrive à leur donner un emploi stable, qui va faire du mal à son pays ?"

8h

Plus de 600 Afghans renvoyés à Kaboul au départ de la France. Pour réchapper à cette situation, une solution serait de fuir, mais les routes de l'exil sont de plus en plus risquées. "La sécurité n’est plus garantie, j’aimerais fuir d’ici, mais le trajet pour partir est dangereux, on peut aussi se faire attaquer", témoigne Asmatolo, père de neuf enfants qui habite dans la région du Panchir, à l'est du pays. Car l'EI contrôle des d'accès routiers, posent des mines et kidnappent ceux qui s'y aventurent. "Mais on est prêt à prendre ces risques", ajoute-t-il. C'est d'ailleurs tout le paradoxe de l’Afghanistan qui est considéré aujourd’hui comme un pays "sûr" par des Etats européens, comme l'Allemagne ou la Suède. En 2016, selon Amnesty International, près de 10.000 Afghans ont été renvoyés à Kaboul depuis l’Europe, dont plus de 600 au départ de la France.