Japon : l’exceptionnelle parole impériale

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avec Pierre de Cossette et Patrick Roger , modifié à
Akihito s’est publiquement exprimé mercredi. Une première pour un empereur nippon depuis 1945.

Au japon, la discrétion de l’empereur est quasi-légendaire. Mais mercredi, Akihito, en poste depuis 1989, s’est exprimé publiquement, pour la première fois depuis son accession au trône. Vingt-deux ans de silence officiel ont donc été rompus par la gravité de la crise que traverse le pays, après le puissant séisme de vendredi dernier au large de Sendai. Le symbole est immense dans un pays où l’empereur n’exerce pas le pouvoir, mais détient une fonction honorifique respectée par la grande majorité des Japonais.

En 1995, Akihito s’était rendu en compagnie de son épouse Michiko à Kobe, alors sévèrement frappé, déjà, par un tremblement de terre, mais sans s’exprimer. Cette fois, c’est la télévision qu’il a choisie. Une allocution extraordinaire intitulée "message aux sinistrés ". Costume gris, cravate et ton grave, celui qui a succédé à son père Hirohito a appelé les Japonais "à s’entraider main dans la main". Il a dit "prier pour la sécurité du plus grand nombre". Il s’est aussi montré "profondément préoccupé" par la situation de la centrale de Fukushima.

"La dernière fois, c’était le 15 août 1945"

"Traditionnellement, même en cas de situation exceptionnelle, l’empereur ne s’exprime pas. La dernière fois, c’était le 15 août 1945 (quelques jours après les bombardements de Nagasaki et Hiroshima, pour annoncer la reddition du pays, ndlr)", précise Jean-François Sabouret, sociologue spécialiste du Japon, interrogé sur Europe 1. "Hirohito avait alors demandé au peuple japonais de ‘supporter l’insupportable’. Là, l’empereur Akihito a d’une certaine façon dit la même chose, et on ne peut pas ne pas penser à son père."

Pour l’universitaire, la parole impériale est à même d’être entendue par le peuple. "Tous les Japonais auront sans doute à cœur de se regrouper autour de cette parole, du pouvoir symbolique de l’empereur pour pouvoir repartir. Et d’ailleurs mercredi matin la bourse a rebondi. Donc le pays réagit", estime Jean-François Sabouret.