Iran-USA : le chaud-froid des déclarations

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AU SCANNER - Retour en cinq déclarations sur les amabilités échangées entre Téhéran et Washington au sujet du nucléaire iranien.

DÉCRYPTAGE. L’optimisme est de rigueur à Genève. C’est là que la délégation iranienne doit rencontrer mardi les représentants des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, de la Chine, de la Russie et de l’Allemagne. Au menu des discussions : l’épineux dossier du nucléaire. A Téhéran, on dit espérer "arriver à une feuille de route d’ici mercredi". A Washington, on assure que "la fenêtre diplomatique s’ouvre de plus en plus". Que faut-il vraiment comprendre derrière ces mots ? Car au fil des ans, le dossier du nucléaire iranien est devenu un baromètre des relations irano-américaines, en forme de "montagnes russes", explique Thierry Coville, spécialiste de l’Iran et chercheur à l’Iris. Europe1.fr passe au crible cinq déclarations "chocs". 

clinton khatami, bandeau REUTERS

9 janvier 1994 : Bill Clinton. L’Iran, comme la Libye est un "État voyou" et un "sponsor du terrorisme", affirme le président américain lors d’un discours à Bruxelles.

L’explication. Depuis 1984 et la guerre Iran-Irak, le programme nucléaire iranien a été relancé, même si l’ayatollah Khomeyni y était opposé. Aucune déclaration officielle n’est faite à Téhéran sur le sujet, mais la tension monte progressivement et en 1994, Bill Clinton, alors président, utilise le terme "État voyou" pour la première fois à propos de l’Iran, également accusé d’être un "sponsor du terrorisme". "C’est une expression qu’on n’utilise plus. Les États voyous, ce sont des États qui sont en-dehors du cadre international", explique Nicole Bacharan, consultante d’Europe 1 sur les États-Unis. "La rhétorique est encore utilisée sous George W. Bush, mais ensuite, les choses sont devenues moins claires, moins lisibles". Ces mots durs sont suivis de mesures tout aussi musclées : embargo commercial contre l’Iran et vote, en 1996, d’une loi imposant des sanctions aux entreprises étrangères commerçant avec l’Iran.

mohammed khatami à l'onu, 1998, REUTERS

21 septembre 1998 : Mohammed Khatami. A l’ONU, le président iranien Mohammed Khatami condamne le terrorisme d’État de façon générale et émet l’idée d’un "dialogue entre civilisations".

En 1998, Mohammed Khatami avait accordé une interview à la chaîne américaine CNN :

L’explication. Quand Mohammed Khatami prononce ces mots à la tribune de l’ONU, il est le premier président iranien à y mettre les pieds depuis douze ans. Il assure que son pays est toujours prêt à normaliser les relations avec les États-Unis. "Dès que l’on tente de négocier, les Iraniens sont dans un vocabulaire extrêmement ambigu", note Nicole Bacharan, soulignant qu’après chaque déclaration, "il y a des discussions sur la traduction". Le sens des mots "est toujours double : l’expression ‘terrorisme d’État’ se réfère ainsi aux États-Unis", explique la spécialiste. Quant au ‘dialogue des civilisations’, "c’est aussi ambigu". "Cela veut dire que l’Iran essayait de reprendre une place sur la scène internationale", analyse Nicole Bacharan. A l’époque, souligne de son côté Thierry Coville, on assiste toutefois à une sorte de "lune de miel" entre Washington et Téhéran. Elle sera de courte durée. "Les États-Unis pensent alléger les sanctions, mais finalement, cela ne se fait pas : ça capote".

bush fils, janvier 2002, REUTERS

29 janvier 2002 : George W. Bush. L’Iran, comme l’Irak et la Corée du Nord, "constitue un axe du mal", affirme George W. Bush dans son discours du l’État de l’Union centré sur les "armes de destruction massive", quelques mois après les attentats du 11-Septembre.

Le discours en vidéo :

L’explication. Plus question de détente : sous l’administration Bush, la relation "se dégrade" et "on atteint des sommets", se souvient Thierry Coville, ajoutant : "à un moment, on pensait même que les Américains allaient entrer en guerre contre l’Iran". "Avec cet ‘axe du mal’, comme l’étape suivante c’était la guerre contre l’Irak, ça a déstabilisé tout le monde, politiques, marchés financiers…", abonde Nicole Bacharan, pour qui "Bush disait des choses réelles, mais extrêmement simplifiées". Car les pays de "l’axe du mal", c’était ceux qui n’étaient "pas en règle sur les armes de destruction massive". "Une fois qu’on avait dit ça, on avait quand même trois situations différentes", entre Iran, Irak et Corée du Nord.

ahmadinejad, nucléaire, REUTERS

13 avril 2006 : Mahmoud Ahmadinejad. "Notre réponse à ceux qui sont mécontents que l’Iran réussisse à maîtriser complètement le cycle du combustible nucléaire se résume à une seule phrase. Nous disons : ‘soyez en colère contre nous et mourez de cette colère’, parce que ‘nous ne discuterons avec personne à propos du droit de la nation iranienne à enrichir de l’uranium’", assure le président iranien, selon l’agence officielle Irna.

L’explication. Quelques jours auparavant, Mahmoud Ahmadinejad avait annoncé "officiellement" que l’Iran avait "rejoint le groupe de ces pays qui ont la technologie nucléaire". Pour Nicole Bacharan, on est là "dans un espèce de jeu iranien". A l’époque, certains analystes "ont dit qu’il ne fallait pas se soucier" de ces déclarations belliqueuses et que le vrai maître de l’Iran était l’ayatollah, mais ces propos demeurent "graves". Quant aux négociations sur le nucléaire iranien, elles tournent court.

obama au telephone avec rohani, REUTERS

27 septembre 2013 : Barack Obama. Après un coup de téléphone historique entre Hassan Rohani et Barack Obama, le président américain souligne une "occasion historique" de progresser sur le dossier.

Obama annonce à la presse avoir parlé à Rohani au téléphone :

L’explication. Élu en 2008 avec un programme de "détente avec l’Iran", Barack Obama n’ose cependant pas reprendre les négociations avec Mahmoud Ahmadinejad, raconte Thierry Coville. Avec l’élection du président Hassan Rohani, tous les espoirs semblent à nouveau permis. Pour Nicole Bacharan, "à l’évidence, tout le monde préférerait régler le dossier par la diplomatie". Alors quand, pour la première fois depuis 1980, un président américain s’entretient par téléphone avec son homologue iranien, tout le monde applaudi. Sauf que dès le lendemain, Hassan Rohani se fait taper sur les doigts à Téhéran pour cette ouverture. "Il semble qu’on soit toujours dans la même perspective", note finalement Nicole Bacharan, pour qui si les Iraniens "ont vraiment la bombe, ils risquent très gros car Israël ne l’acceptera pas". Et là, il n’y aura "pas de prochaine étape".

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