Iran : ce qui peut changer (ou pas)

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Alcyone Wemaere, avec agences , modifié à
Le "modéré" Rohani, élu samedi, devrait imprimer son style. Mais le Guide suprême reste maître du jeu.

L'enjeu. L'élection surprise samedi, dès le premier tour, du candidat "modéré" Hassan Rohani a redonné espoir aux Iraniens et à la communauté internationale après les huit années de la présidence Ahmadinejad. Mais, à Téhéran comme en Occident, la prudence reste de mise alors que les experts tablent davantage sur un changement de style que sur de réels bouleversements. Et pour cause : le Guide suprême Ali Khamenei gardant les clefs du régime, la marge de manœuvre du nouveau président est réduite.

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Un style moins abrupt sur le plan diplomatique ? C'est le changement a minima qui est attendu par la communauté internationale. La barre n'est pas trop haute pour Hassan Rohani : il lui sera difficile de faire pire que son prédécesseur dont les sorties fracassantes, sur Israël notamment, ont tétanisé pendant huit ans une partie de la communauté internationale. Surnommé le "Cheikh diplomate" pour son rôle, de 2003 à 2005, dans les négociations sur le nucléaire iranien, Hassan Rohani a bonne réputation en Occident. L'ancien ministre britannique des Affaires étrangères Jack Straw a bien résumé l'état d'esprit des Occidentaux en le qualifiant de "diplomate et homme politique très expérimenté" sans commune mesure avec "l'approche abrupte et stérile" de Mahmoud Ahmadinejad.

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Le casse-tête du sort des opposants. Hassan Rohani est très attendu sur le sort réservé à Mirhossein Moussavi et Mehdi Karoubi, chefs de file du "mouvement vert" de 2009, placés en résidence surveillée. Leurs partisans ont multiplié les appels à leur libération, y compris pendant les meetings de Hassan Rohani, mais ce dernier a gardé le silence sur ce sujet pendant la campagne électorale.

La victoire écrasante de Rohani poussera-t-elle l'ayatollah Khamenei à accepter un assouplissement de la ligne dure adoptée ces dernières années vis-à-vis des opposants ? Politiquement, ce serait un symbole fort au crédit du nouveau président, mais tactiquement, l'exercice est périlleux car la libération de Moussavi et Karoubi le placerait dans une position bien délicate.

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Liberté individuelles : l'inconnue. Prudence stratégique ou pas, le sujet n'a jamais été abordé par le candidat Rohani lors de sa campagne électorale. Invité sur Europe1 lundi matin, le journaliste franco-iranien Armin Arefi estime que les Iraniens peuvent s'attendre à moins d'emprise des Bassidji, la milice religieuse du pays, et à une ouverture plus importante de la presse mais il met aussi en garde : "il n'y aura pas de miracle dans les prochains mois". Il ne faut pas s'attendre à ce que "tout soit réglé en une nuit", a d'ailleurs déjà déclaré le nouveau président.

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Modération ou réformes ? "Hassan Rohani est un modéré, pas un réformateur" même si ces derniers, faut de n'avoir pu présenter de candidat, l'ont soutenu, rappelle Armin Arefi. Dans sa première déclaration, le président élu a donné peu d'indication sur ses orientations : tout en tendant la main aux vaincus, les "principlistes", soutiens indéfectibles du guide suprême, le religieux modéré s'est félicité de "cette victoire de la sagesse, de la modération et de l'engagement sur l'extrémisme et les mauvais esprits".

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Khamenei, encore et toujours maître du jeu. Le Guide suprême Ali Khamenei, homme fort du régime depuis 1989, avait prévenu juste avant l'annonce des résultats : "tout vote pour l'un des candidats en lice est un vote pour la République islamique". De fait, dans le complexe système iranien, il reste le grand maître du jeu. Peut-être même davantage que sous le dernier mandat d'Ahmadinejad, ce dernier étant allé assez loin dans le bras de fer avec l'ayatollah, comme le souligne Foreign Policy.

"Le Guide a la caisse, la main sur le nucléaire, il encadre les Gardiens de la Révolution islamique qui sont une véritable multinationale économique et financière", résume diplomate européen. Quelle sera influence d'Hassan Rohani aura sur Khamenei ? Certains observateurs voient en lui un possible avocat auprès du Guide d'un arrangement avec les Occidentaux pour éviter une crise majeure dans le dossier nucléaire. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu n'en croit rien : il a appelé d'ailleurs la communauté internationale à ne pas "se bercer d'illusions" sur ce point.

Le précédent Khatami. Lors de sa campagne, Rohani, proche de l'ex-président modéré Akbar Hachemi Rafsandjani, a bénéficié de l'appui du chef des réformateurs : Mohammad Khatami, président de l'Iran de 1997 à 2005. Lors de son élection, Iraniens et Occidentaux avaient aussi espéré un infléchissement durable du régime. Mais à la fin de sa présidence, une partie des réformateurs avaient essayé de pousser Khatami à choisir la voie de la confrontation avec le pouvoir. La tentative avait tourné court.