Gilles Kepel : "la Turquie est plongée dans une situation extrêmement complexe"

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C.P.-R.
Le spécialiste du Moyen-Orient et professeur à Sciences Po était l’invité de Patrick Roger sur Europe 1. Il analyse le contexte très tendu dans lequel est survenu cette attaque très meurtrière. 

Après la double explosion ayant fait samedi plus de 80 morts et 180 blessés, à Ankara, la capitale turque, Gilles Kepel a partagé son analyse des événements sur Europe 1. En ce qui concerne l'origine de cette attaque en plein rassemblement prokurde, ce spécialiste reconnu du Moyen-Orient a déclaré qu'il était "très difficile de se prononcer".

En revanche, le contexte dans lequel intervient cet attentat peut être analysé, a expliqué le spécialiste : "Le parti au pouvoir, l’AKP d’Erdogan et de Davutoglu, n’a pas remporté la victoire qu’il attendait aux élections législatives précédentes, notamment car le parti kurde a fait 13% des voix. Ce qui a empêché le gouvernement islamo-conservateur d’Erdogan de garder le pouvoir véritablement".

Le pouvoir d’Erdogan fragilisé. De nouvelles élections législatives, à la demande du président, sont donc programmées pour le 1er novembre prochain. L’objectif de ces nouvelles élections ? "Faire en sorte que le parti prokurde, celui-là même qui appelait au rassemblement, ne puisse pas l’emporter", a indiqué ce membre de l'Institut universitaire de France.

"Tout est envisageable". Dans ce contexte, "tout est envisageable", a estimé le spécialiste, citant diverses hypothèses : "Les provocations policières, les provocations des islamistes radicaux, les provocations de certains membres kurdes, extrémistes, tout cela a été évoqué par la presse".

Une situation "extrêmement complexe". "Aujourd’hui, la Turquie est plongée dans une situation particulièrement complexe car son intervention dans les affaires syriennes, au départ, en opposition à Bachar al-Assad, en soutien désormais à certains groupes de la rébellion contre d’autres, l’a mise dans une situation extrêmement complexe qui se retourne sur sa situation intérieure", a précisé Gilles Kepel, pour qui la Turquie est un point "particulièrement délicat" dans la région.

Un attentat de l’EI ? Quant à savoir si cette attaque pourrait avoir été réalisée par l’EI, Gilles Kepel a estimé que "cela peut-être tout, si ce sont des kamikazes", faisant référence à l’annonce du Premier ministre Davutoglu qui a affirmé, samedi après-midi, que deux kamikazes seraient à l’origine de l’attaque la plus meurtrière dans la capitale turque depuis plus de 30 ans.

Le spécialiste a souligné que les kamikazes "appartiennent souvent aux mouvements islamistes ultra-radicaux". D’autant que pour l’EI, "les kurdes, sont leurs pires ennemis". "Il y a un contentieux très fort entre les radicaux de l’Etat islamique et les kurdes de Turquie et de Syrie", a précisé Gilles Kepel. Les militants kurdes en Syrie, formés le plus souvent en Turquie par le PKK, sont en effet les combattants ayant porté les coups les plus durs à l’EI.