Ghesquière et Taponier, récit d'une captivité

Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière
Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière © MAX PPP
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Hélène Favier , modifié à
Leur détention est la plus longue pour des journalistes français depuis la crise au Liban.

Tout commence le 30 décembre 2009 surune route de l'est de l’Afghanistan.Hervé Ghesquière, 47 ans, et Stéphane Taponier, 46 ans, journalistes de France 3 pour l'émission Pièces à conviction quittent Kaboul, à l'aube, pour interroger des habitants sans présence militaire. Ils sont alors enlevés, en compagnie de leur traducteur, de leur accompagnateur et de leur chauffeur, dans la province de Kapisa où ils préparaient un reportage.

Quelques heures plus tard, des forces spéciales américaines les localisent, mais l'idée d'un assaut, risqué, est écartée.

"L’imprudence vraiment coupable"

Peu de temps après, leurs geôliers, des talibans, exigent - en échange de leur liberté - que soient relâchés des prisonniers afghans.

Un mois plus tard, en France, cette prise d’otages prend un tour politique lorsque que Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, révèle, le 17 janvier sur Europe 1, que le président Sarkozy regrette "l’imprudence vraiment coupable" des reporters.

Parallèlement, les troupes françaises déployées en Kapisa verrouillent la région pour empêcher une exfiltration des otages vers le Pakistan voisin.

Le 21 janvier, Lionel de Coninck, le rédacteur en chef du magazine Pièces à conviction est dans un restaurant de Kaboul, quand son portable sonne.
Une voix tente d'articuler en anglais : "Do you know Réré et Stifan ?" Lionel de Coninck passe son portable à un serveur qui parle le pachtoune. "C'est un commandant taliban", explique-t-il, blême. "Je veux vous parler de la santé de vos amis", dit l'interlocuteur avant que la ligne ne soit coupée. C'est un bras droit du chef qui retient les otages. Les véritables négociations viennent de commencer.

Une vidéo comme preuve de vie

Quelques jours plus tard, les deux journalistes appellent les négociateurs français au téléphone, disent qu'ils vont bien et sont bien traités. Le 14 février, une vidéo est livrée par les ravisseurs.

En avril 2010 ensuite : une deuxième vidéo les montrant "très amaigris" est diffusée par France Télévisions. Les proches des otages, qui ont visionné peu avant les images, explosent de colère face au silence des autorités et aux déclarations jugées trop optimistes du gouvernement. L’identité des journalistes, restée secrète jusqu’à présent, est alors dévoilée par leur employeur.

En juin, le ministre de la Défense Hervé Morin et le patron de France Télévisions Patrick de Carolis se rendent enfin en Afghanistan. Ce dernier déclare à l’issue de cette visite que les "échanges" avec les ravisseurs "s’intensifient".

A partir de l'été, des informations feront état à plusieurs reprises d'une proche libération, sans se concrétiser. En octobre, Hervé et Stéphane, un temps séparés, sont de nouveau ensemble.

Plusieurs tentatives de libération avortées

En novembre, une autre vidéo est montrée uniquement aux familles.Les otages affaiblis y apparaissent toutefois avec un "bon moral".

Tout au long de leur détention, plusieurs tentatives de libération ont échoué. "Les négociateurs français de Kaboul avaient conclu un accord. Et puis, au dernier moment, ça ne s’est pas fait mais on était très proche d’une libération", avait récemment expliqué le directeur de l’information de France 3, Paul Nahon, ancien directeur de l’information de France 3.

Le 4 mai dernier, Alain Juppé le confirmait devant la Commission des Affaires étrangères. "On a été tout près d'aboutir pour Ghesquière et Taponier au début de cette année. Malheureusement, au dernier moment, un blocage est venu. On a repris nos discussions par tous les canaux possibles".

Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier ont été libérés, mercredi, après 547 jours de détention. Selon les informations de Paris Match, dans la négociation de leur libération, les agents français avaient notamment en face d'eux "le commandant Z", sorte d'émissaire taliban. Il a assuré au magazine que pendant leur captivité "l’un des deux Français était occupé à la rédaction d’un livre. L’autre passait beaucoup de temps à dormir. Quant à leur guides afghan, ils avait entrepris d’apprendre le Coran par cœur".

Au final, la captivité des deux journalistes est la plus longue pour des journalistes français depuis la crise des otages au Liban, dans les années 1980.