Français tués en Afghanistan : l’Italie mise en cause

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Europe1.fr (avec Marie Guibal, à Rome) , modifié à
L'arrêt du versement de pots-de-vin de l'Italie aux talibans est à l'origine de la mort des 10 soldats tués en 2008, selon un journal anglais.

En mai 2008, la France prend le commandement de la région de Saroubi, proche de Kaboul, jusque là assuré par l’Italie. Trois mois plus tard, en août 2008, dix soldats français perdent la vie dans une embuscade.

Ont-ils été victimes d’une mauvaise évaluation des risques de leur mission ? C’est l’hypothèse évoquée, jeudi, par The Times, qui s’appuie sur "plusieurs" témoignages recueillis au sein de l’état-major de l’Otan. Selon le quotidien britannique, les Italiens auraient en effet omis d’avertir les Français qu’ils payaient les talibans pour sécuriser dans la région, une information que l'état-major des armées, à Paris, affirme ne pouvoir "ni infirmer, ni confirmer".

Les "services de renseignements italiens ont ainsi versé des dizaines de milliers de dollars" aux commandants talibans et aux seigneurs de guerre locaux pour maintenir en paix la région de Saroubi, près de Kaboul, raconte l’une des sources militaire citée par le journal. Objectif, selon cette source : acheter la paix, pour "éviter toute polémique" en Italie sur l’engagement militaire des troupes nationales au sein des forces de la coalition.

Les responsables militaires interrogés par le quotidien accusent surtout les Italiens de ne pas avoir prévenu les Français des paiements versés aux talibans, qui ont succédé aux Italiens sur cette zone de guerre, de leur pratique. "Cela peut se justifier d'acheter des groupes locaux et d'utiliser la non-violence pour baisser le niveau de violence. Mais c'est de la folie de ne pas en informer [ses] alliés", affirme ainsi un haut officier" de l'Otan.

Les soldats français étaient déployés depuis à peine un mois sur cette zone lorsque dix d'entre eux, appartenant en majorité au 8e régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMa) de Castres, ont été pris dans cette embuscade, l’une des plus meurtrières tendues par les insurgés contre des forces de pays membres de l'Otan.

Les services de renseignement américains étaient au courant des pratiques de l’armée italienne, affirme encore le Times. "En juin 2008, plusieurs semaines avant l’embuscade [contre les forces françaises, NDLR], l’ambassadeur américain à Rome a entrepris une démarche (en français dans le texte), ou une protestation diplomatique, auprès du gouvernement italien de Silvio Berlusconi", écrit le quotidien.

Le quotidien britannique cite enfin les propos d’un chef tribal de Saroubi, qui confirme que "les Italiens et les Talibans avaient de bonnes relations. On savait que les Talibans ne pratiqueraient pas d’attaques contre les Italiens, mais nous ne savions pas pourquoi."

>> Le ministre italien de la Défense, interrogé par le quotidien Il Corriere della Sera, dément fermement les versements :

"Ce journal londonien, une fois de plus, ne récolte que des ordures [...]. Je n'ai jamais eu vent que les services secrets payaient les chefs talibans [à l'été 2008, il venait d'arriver à son poste, NDLR]". Selon lui, le comportement bienveillant envers les soldats italiens est lié non pas à l'argent mais à leur attitude sur le terrain : "Ils ont toujours manifesté une proximité humaine avec les gens et les gens leur rendent la pareille. Les Italiens sortent, parlent avec les gens et ils gagnent leur confiance."