Attentat d'Ankara : des sources turques soupçonnent l'Etat islamique

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N.M. et Matthieu Bock avec AFP , modifié à
Les premiers éléments de l'enquête sur l'attentat qui a frappé la capitale turque samedi mettraient en cause l'Etat islamique (EI).

La Turquie, frappée par l'attentat le plus meurtrier de son histoire, commence dimanche à enterrer les victimes des deux explosions qui ont frappé une manifestation pour la paix samedi près de la gare d'Ankara. Cet attentat particulièrement meurtrier, avec au moins 97 morts et 246 blessés, intervient à trois semaines des élections législatives anticipées du 1er novembre, dans un climat de forte tension nourri par les affrontements entre les forces de sécurité turques et le PKK dans le sud-est à majorité kurde du pays. 

Les infos à retenir :

- Cette double explosion aurait été l'oeuvre de l'Etat islamique, selon des responsables des services de sécurité turcs

- Le bilan provisoire de 97 morts et 246 blessés est contesté par le parti HDP (pro-kurde) qui l'établit plutôt à 128 morts

- Les élections législatives prévues le 1er novembre seront maintenues

- Dimanche matin, une manifestation a eu lieu à Ankara pour rendre hommage aux victimes

Des soupçons sur l'Etat islamique. Les premiers éléments de l'enquête sur le double attentat de samedi à Ankara semblent mettre en cause les djihadistes de l'Etat islamique (EI) et cette piste est privilégiée par les enquêteurs, a pu apprendre Reuters dimanche de deux sources haut placées au sein des services de sécurité turcs. 

L'une de ces sources, qui a requis l'anonymat, a précisé que l'attentat de samedi présente des similarités frappantes avec celui qui a fait 32 morts le 20 juillet dernier à Suruc, ville turque proche de la frontière syrienne, et imputé à l'EI. "Cet attentat est dans le style de celui de Suruc et tous les signes montrent que c'en est en quelque sorte la copie (...) Ces éléments désignent l'EI (...) Nous nous consacrons à cette piste", a-t-on déclaré de même source.

Le président mis en cause par des manifestants. Des milliers de personnes étaient réunies dimanche dans la capitale pour rendre hommage aux victimes mais aussi pour dénoncer la responsabilité du gouvernement. Réunie à l'appel des syndicats, ONG et partis politiques proches de la gauche et de la cause kurde qui avaient appelé au rassemblement pour la paix de la veille, la foule a mis en cause le président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan aux cris de "Erdogan meurtrier" et "gouvernement démission". "L'Etat rendra des comptes", ont scandé les manifestants dans une ambiance encore tendue par la présence d'imposants effectifs policiers.

Les élections maintenues. La Turquie maintient comme prévu ses élections législatives prévues pour le 1er novembre, a annoncé dimanche un responsable gouvernemental. "Reporter les élections en conséquence de l'attentat n'est pas du tout à l'ordre du jour, même comme possibilité", a-t-il indiqué. Il a précisé que "la sécurité aux meetings électoraux, qui a déjà été augmentée, sera encore renforcée". 

Violentes explosions. L'attentat s'est produit samedi à 10h04 heure locale. Deux violentes explosions ont secoué les alentours de la gare centrale d'Ankara, où des milliers de militants venus de toute la Turquie à l'appel de plusieurs syndicats, d'ONG et partis de gauche se rassemblaient pour dénoncer la reprise du conflit entre Ankara et les rebelles kurdes. Les déflagrations ont transformé l'esplanade, jonchée de corps sans vie, en scène de guerre et provoqué la panique dans la foule.

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La gare de nouveau ouverte. Dimanche, l'envoyé spécial d'Europe 1 a pu constater que le lieu de l'attaque est quadrillé par les forces de l'ordre. Des policiers anti-émeutes y contrôlent les papiers de toutes les personnes qui approchent des barrières. Seuls les voyageurs peuvent circuler librement afin d'accéder aux bus et trains de la gare d'Ankara. Silvé, jeune étudiant, rentre chez lui après avoir passé la nuit à Ankara : "je suis assez anxieux en fait de revenir et j'espère que je vais réussir à passer les barrières pour aller jusqu'à la gare", explique-t-il à Europe 1. Hier, samedi, il est déjà venu mais "il n'y avait pas de place dans le train", alors, il a décalé son voyage. "Heureusement car sinon, enfin... je ne veux même pas y penser", ajoute-t-il ému. 

Un bilan qui pourrait s'alourdir. Selon un communiqué des services du Premier ministre Ahmet Davutoglu, le bilan s'élevait lundi à 97 morts et 246 blessés, dont 48 se trouvaient toujours en soins intensifs dans les hôpitaux d'Ankara. Mais ces chiffres sont contestés par le HDP, pari pro-kurde, qui avance que 128 personnes ont trouvé la mort. Il avance avoir pu identifier la totalité des corps à l'exception de huit d'entre eux. 

Condoléances. Le président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan a dénoncé une "attaque haineuse contre notre unité et la paix de notre pays" et promis "la réponse la plus forte". Il a reçu le soutien samedi de plusieurs chefs d'Etat dont celui du président de la République François Hollande qui a adressé "toutes ses condoléances au peuple turc". Le président américain, Barack Obama, a appelé le président turc pour lui exprimer la "solidarité" des Etats-Unis avec la Turquie contre le "terrorisme". Le pape François a, lui, envoyé un télégramme de condoléances au chef d'Etat truc dans lequel il dénonce un "acte barbare".

Pas de revendication. En l'absence de revendication, Ahmet Davutoglu a pointé du doigt trois mouvements susceptibles, selon lui, d'être l'auteur de l'attaque la plus meurtrière qu'ait connu Ankara : les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le groupe Etat islamique (EI) et le Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C) d'extrême gauche.