A quoi servent les "midterms", les élections de mi-mandat américaines ?

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Clémence Olivier , modifié à
Les midterms se déroulent mardi. Les Américains sont appelés aux urnes pour désigner leurs représentants et une partie des sénateurs. Et ce faisant, pour juger l'action de Donald Trump.

Mardi 6 novembre, les Américains sont appelés à voter lors des élections de mi-mandat. En jeu : le renouvellement de l'ensemble des sièges de la Chambre des représentants, et plus d'un tiers du Sénat. En filigrane, c'est la politique et la personnalité de Donald Trump qui sont évaluées. Comment s'organisent ces élections ? Est-ce que les résultats peuvent avoir un impact sur la politique de Donald Trump? Et que disent les sondages ? A quelques jours du scrutin, Europe 1 vous livre le mode d'emploi de ce scrutin crucial.

C'est quoi les "midterms" ?

Les "midterms" sont baptisées ainsi car ces élections se tiennent à la moitié du mandat du président des États-Unis. Elles se déroulent précisément le premier mardi de novembre, soit deux ans jour pour jour après l'élection présidentielle. Les Américains sont appelés aux urnes pour renouveler l'ensemble des 435 sièges de la Chambre des représentants et un tiers des 100 sièges du Sénat.

Pour rappel, le Congrès (Chambre des représentants et Sénat) est chargé de discuter et de voter les lois fédérales et le budget fédéral des Etats-Unis. La Chambre des représentants s'occupe des problèmes ayant trait à la vie quotidienne et aux citoyens. Le Sénat représente les Etats et la politique nationale et il peut approuver ou rejeter la nomination des secrétaires, ambassadeurs, membres des agences fédérales ou juges à la Cour suprême. 

C'est également ce jour-là que les habitants de 36 Etats (sur 50) élisent leurs gouverneurs. Par ailleurs, dans plusieurs Etats, les citoyens sont appelés à voter pour certaines mesures comme par exemple, la légalisation du cannabis.

Comment se déroulent ces élections  ?

Cette fois, contrairement à l'élection présidentielle, il n'y a pas de système de grands électeurs. Les Américains votent directement pour leurs représentants, élus pour deux ans, pour leurs sénateurs élus pour six ans et pour leurs gouverneurs élus pour quatre ans.

Quelle est la situation actuelle ?

Aujourd'hui, les Républicains possèdent 240 sièges contre 195 pour les Démocrates à la Chambre des représentants. Au Sénat, les Républicains ont une courte avance : 51 sièges contre 49 pour les Démocrates. Par ailleurs, 33 des 50 postes de gouverneurs sont aux mains des Républicains et parmi ceux là 26 seront renouvelés mardi.

C'est un scrutin à haut risque pour Donald Trump. L'histoire a montré que ces élections sont presque systématiquement synonymes de sanction pour le président en exercice. Les citoyens ne votent pas tant pour leurs sénateurs ou leurs représentants mais pour ou contre la politique du "Commander in chief". Nixon, Reagan, Carter, Kennedy, Obama... tous ont perdu des sièges lors des élections de mi-mandats. Cette année, ils devraient toutefois s'exprimer surtout sur la personnalité pour le moins clivante de Donald Trump.

Bloquer la politique de Donald trump. Et les Démocrates sont plus motivés que jamais à récupérer des sièges. C'est la seule façon pour eux de contrecarrer la politique conservatrice de l'ancien magnat de l'immobilier. S'ils remportaient la majorité à la Chambre des représentants, ils pourraient alors bloquer l'agenda présidentiel car les deux chambres seraient amenées à négocier pour approuver ou non certaines lois. Donald Trump ne serait plus en mesure par exemple de torpiller comme il le souhaite l'ObamaCare, la réforme de l'assurance santé mise en place par Barack Obama, ni même de construire son fameux mur avec le Mexique. Donald Trump serait contraint, comme son prédécesseur avant lui, de se contenter de gouverner par décret et de se focaliser sur la politique étrangère.

L'affaiblir en vue de la présidentielle 2020. Si une vague bleue submergeait les Etats-Unis, mardi, (Chambre et Sénat à majorité démocrate) le blocage serait presque total. Selon Vincent Michelot, professeur d'histoire politique des États-Unis à Sciences Po Lyon interrogé dans le Figaro, les Démocrates pourraient en profiter pour utiliser leur majorité pour lancer des enquêtes parlementaires en vue de décrédibiliser Donald Trump pour la présidentielle de 2020.

Reste que le président n'a pas dit son dernier mot. Depuis plusieurs semaines, il sillonne le pays pour faire campagne et booster ses troupes arguant notamment que son bilan économique est plus que positif avec un chômage au plus bas et une croissance en hausse.

Que disent les sondages ?

Selon le site de sondages américain FiveThirtyEight, les Démocrates ont six chances sur sept de reprendre le contrôle de la Chambre des représentants. En revanche, s'emparer du Sénat devrait être beaucoup plus compliqué. Si l'on en croit ces projections, il a une chance sur sept de basculer. Mais les Américains se méfient des sondages. En 2016, les enquêtes d'opinion prévoyaient presque tous une victoire d'Hillary Clinton face à Donald Trump. Une surprise n'est donc pas à exclure.

Les résultats des votes pourraient d'ailleurs varier en fonction du taux de participation. En général, il est très bas (un électeur sur trois s'était déplacé lors des midterms en 2014), mais cette fois le taux de participation pourrait bondir notamment grâce aux femmes secouées par les propos sexistes de Donald Trump, ses décisions politiques allant à l'encontre du droit des femmes ou encore la nomination du juge Brett Kavanaugh à la cour suprême alors même qu'il est accusé d'agression sexuelle.

Les femmes blanches diplômées, dont certaines avaient votées pour Donald Trump en 2016, sont 72 % à désapprouver aujourd'hui Donald Trump et sa politique, selon la chaîne américaine CNN. Ce sont elles qui pourraient faire basculer l'élection.

Donald Trump peut-il craindre la destitution en cas de vague bleue ? 

Le président pourrait craindre, en théorie, pour son poste si la Chambre des représentants et le Sénat passaient aux mains des Démocrates. A plusieurs reprises ces derniers ont brandi la menace de l'impeachment, cette procédure qui conduit à la destitution du président, en écho aux affaires qui touchent de près ou de loin "The Donald" (les soupçons de collusion entre l'équipe de campagne de Donald Trump et le Kremlin de Vladimir Poutine durant la présidentielle 2016, l'affaire Stormy Daniels…).

Avec une Chambre des représentants et un Sénat à majorité démocrate, ils ont techniquement la possibilité de le faire. "Mais c'est peu probable", selon Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire, spécialiste de la politique américaine. Il rappelait cet été sur Europe 1 qu'en deux siècles et demi, aucun président des Etats-Unis n'a jamais été destitué. En 1974, après le Watergate, Nixon avait préféré démissionner plutôt que d'être jugé coupable via cette procédure. La possibilité, dans le cas de Donald Trump, d'un impeachment est égale à zéro."

"La plupart des Démocrates se disent qu'ils vont perdre tout crédit en s'acharnant sur cette question, et cela ne ferait que mobiliser le camp Trump au lieu de l'affaiblir", estime également Vincent Michelot dans Le Figaro.