Et si les Suisses plafonnaient les salaires des patrons ?

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avec AFP
Les patrons suisses tremblent : leurs salaires pourraient bien être limités par une proposition sur laquelle le pays vote dimanche.

L’INFO. Oui, c’est bien en Suisse que cela se passe. Les électeurs helvètes se prononcent dimanche sur la limitation des salaires des patrons, huit mois après avoir voté pour l’interdiction des parachutes dorés. Le principe est cette fois radical : si l’initiative 1:12 est adoptée, le salaire le plus élevé au sein d’une entreprise ne pourra pas dépasser plus de douze fois le salaire le plus bas.

Des écarts de 1 à 1.812. A l’origine de cette idée, des informations publiées dans la presse à propos, entre autres, des salaires chez Nestlé, où l’écart allait de 1 à 73 en 2011. Au laboratoire pharmaceutique Novartis, l’écart allait de 1 à 266. Autre exemple : en 2010, au plus fort de la débâcle financière, Brady Dougan, le patron du Crédit Suisse avait empoché la coquette somme de 90 millions de francs suisses, soit 72 millions d’euros. C’était alors 1.812 fois plus que le salaire le moins élevé de la banque.

Une initiative des Jeunes socialistes. La proposition a été déposée en 2011 par les Jeunes socialistes. Elle a aussitôt fait mouche auprès des syndicats, et notamment d’Unia, qui a multiplié les affiches sur le sujet.

Les Jeunes socialistes suisses ont aussi pu compter sur un allié de poids : l’Allemand Heiner Flassbeck, ex-chef économiste de la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), s’est dit favorable à la proposition "car la déviation au niveau des hauts salaires n’a pas cessé de grandir".

Les patrons inquiets. Évidemment, l’initiative reste en revanche en travers de la gorge des patrons suisses. D’autant plus qu’ils ont peu apprécié l’adoption en mars d’un texte sur les "rémunérations abusives", qui octroie aux actionnaires un droit de veto sur les salaires, primes et parachutes dorés dans les sociétés cotées. Parmi les opposants à ce nouveau projet figure Walter Kielhoz, président du réassureur Swiss Re, qui a prévenu que si elle était adoptée, la proposition risquait de faire fuir les plus qualifiés de ses collaborateurs à l’étranger. Des grandes sociétés suisses comme Nestlé et Novartis se sont même fendues d’un courrier à leurs employés pour leur exposer leurs inquiétudes.

La riposte à l'initiative 1:12 s'organise :

Des astuces pour contourner la loi. Pourtant, d’après l’École polytechnique de Zurich, entre 1.000 et 1.3000 sociétés seraient touchées, soit une infime partie des entreprises du pays. Et des pistes pour contourner une éventuelle loi sont déjà à l’étude, note L’Hebdo. "Les astuces ne manquent pas", indique le journal, citant, pêle-mêle la possibilité d’externaliser les dirigeants en les engageant en tant que consultants, d’"outsourcer les collaborateurs les moins payés" ou encore de "scinder l’entreprise en plusieurs entités autonomes pour casser la chaîne salariale". Reste que la proposition a tout de même peu de chance d’être adoptée. Selon un sondage publié la semaine dernière par la télévision suisse, 54% des Suisses y sont défavorables. Qu’à cela ne tienne, la prochaine proposition est déjà toute prête : les syndicats ont l’intention de réclamer au printemps prochain la garantie d’un salaire minimum à 4.000 francs par mois, soit… 3.200 euros. 

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