Et si la Catalogne était indépendante…

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Charles Carrasco , modifié à
Cette région espagnole élit son parlement dimanche sur fond de référendum d'autodétermination.

La Catalogne a déjà une identité et une culture très forte : un drapeau, une langue officielle, et un gouvernement. Et pourtant, elle envisage d'aller plus loin et poursuit son "rêve" séparatiste. Soulevée par une fronde indépendantiste, elle élit dimanche son Parlement, dans un défi au gouvernement espagnol, qui devrait la conduire vers un référendum d'autodétermination.

Artur Mas, le président nationaliste modéré et conservateur de cette puissante région autonome du nord-est de l'Espagne, a fait le pari du conflit ouvert avec Madrid: il a convoqué des élections anticipées en espérant obtenir une majorité absolue et avancer, dit-il, vers un "Etat souverain". Mais que se passerait-il si cette volonté de créer un Etat souverain devenait réalité ?

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• Le 7e pays de l'UE en termes de richesse ? La Catalogne reste l'une des régions les plus dynamiques économiquement grâce notamment à son tourisme florissant. Avec un PIB par habitant de 27.430 euros en 2011, selon l'Institut national de la statistique (INE), elle se situe au quatrième rang des 17 régions d'Espagne, au-dessus de la moyenne nationale (23.271 euros) et de l'Union européenne (25.134 euros). De quoi donner au nationaliste Artur Mas, des velléités indépendantistes. La Catalogne, si elle devenait un Etat indépendant, serait "le septième de l'Union européenne" en termes de richesse par habitant, affirme même son président, Artur Mas. "Si la Catalogne était un Etat, nous serions parmi les 50 pays les plus exportateurs du monde", ajoute-t-il.   

Car malgré la crise qui frappe de plein fouet l'Espagne, la puissance exportatrice de la Catalogne reste très dynamique. En 2011, avec 55,5 milliards d’euros, la région a même battu son record historique, rappelle La Tribune. "Si la Catalogne devenait indépendante et qu’on considère alors les ventes au marché espagnol comme des exportations, le volume total de ces dernières serait de plus de 60% du PIB, un chiffre supérieur à la majeure partie des pays européens", affirme de son côté l'économiste Xavier Cuadras, interrogé par La Tribune.

• Une meilleure recette fiscale ? Des chefs d'entreprise notamment se sont inquiétés des conséquences économiques que pourrait avoir une future indépendance de la Catalogne. Car malgré sa vitalité commerciale, elle reste la région la plus endettée d'Espagne (22% de son PIB). Pour le gouvernement, la raison est simple : la région est lésée par un déficit fiscal chronique et réclame à Madrid un "pacte fiscal". Le ton est monté depuis le "non" catégorique de Mariano Rajoy à la demande d'autonomie budgétaire catalane.

En cas d'indépendance, "on peut imaginer que la région puisse lever elle-même son impôt, comme c'est le cas chez les Basques ou la Navarre", note Jean-Jacques Kourliandsky, spécialiste de l'Espagne, interrogé par Europe1.fr. "Le gouvernement catalan aimerait négocier avec Madrid sur ce qu'elle reverse à l'Etat central. Il voudrait payer le moins possible et estime que le système actuel n'est pas un juste retour dans le pot commun", précise-t-il. Le gouvernement régional a calculé qu'il donnait 16 milliards d'euros de plus qu'il ne reçoit.

>>> A lire : Catalogne : l'enjeu indépendantiste

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• Une exclusion de l'euro et de l'UE ? Si la Catalogne fait le choix de l'indépendance, la région serait automatiquement exclue de l'Union européenne pendant des années et donc de sa monnaie unique, l'euro. "Elle devrait recommencer tout le processus pour adhérer à l'UE", analyse Jean-Jacques Kourliandsky. Non seulement il est difficile d'intégrer l'Union européenne, mais le traité de l'UE stipule que chacun des 27 Etats membres peut mettre son veto à l'adhésion d'un candidat. Cela veut dire que l'Espagne, pour se venger, pourrait bloquer pour longtemps l'adhésion de la Catalogne. Le président de la Catalogne, Artur Mas, se montre lui optimiste quant à une adhésion rapide à l'UE en cas de sécession. Lors d'un discours récent à Bruxelles, il a déclaré : "dans son histoire, la Catalogne n'a jamais abandonné l'Europe. Maintenant, nous sommes confiants dans le fait que l'Europe ne nous abandonnera pas."

En pleine bataille électorale, les sondages montrent que beaucoup de Catalans n'ont pas pensé aux conséquences d'un éventuel "oui" indépendantiste. D'après une enquête d'opinion publiée par le quotidien El Pais ce mois-ci, près de la moitié des Catalans soutiennent l'indépendance mais leur nombre tombe à 37% si cela devait entraîner une sortie de l'Union européenne.

Une manifestation monstre à Barcelone en septembre 2012 :

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• Un nouveau système politique ? La Catalogne, avec son statut d'autonomie, possède déjà un parlement qui légifère et un gouvernement catalan. Mais pour que cette sécession soit acceptée, "il faudrait l'accord du Parlement national ainsi qu'un référendum national", explique Jean-Jacques Kourliandsky pour qui ce changement de statut est très "improbable". "Les indépendantistes n'ont pas de réel projet politique. Cette idée d'Etat catalan est sortie du chapeau pendant la campagne pour gagner l'opinion catalane. C'est un vrai coup de poker", analyse ce spécialiste. L'objectif est donc surtout de mettre la pression sur Madrid, le pouvoir central, afin d'obtenir des concessions fiscales et institutionnelles de la part du pouvoir central.