Espagne : reprise du premier procès des "bébés volés" du franquisme

Un ancien obstétricien est accusé par une femme de 49 ans de l'avoir séparée de sa mère biologique et d'avoir falsifié son acte de naissance en juin 1969
Un ancien obstétricien est accusé par une femme de 49 ans de l'avoir séparée de sa mère biologique et d'avoir falsifié son acte de naissance en juin 1969 © AFP
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avec AFP , modifié à
Ce procès, qui a débuté en juin dernier, a repris mardi à Madrid avec sur le banc des accusés un ancien obstétricien soupçonné d'avoir organisé un trafic de bébés à partir de la dictature de Franco.

Le premier procès des "bébés volés" du franquisme a repris mardi à Madrid, des décennies après les premières révélations sur ce trafic de nouveaux-nés soustraits à leur mère et confiés à des familles d'adoption sous la dictature de Franco.

Un procès ouvert en juin. Ce procès sans précédent avait débuté le 26 juin mais avait dû être reporté le lendemain, l'accusé Eduardo Vela ayant été admis aux urgences. "Nous espérons que ce sera le dernier jour d'audience avant le prononcé de la sentence", a déclaré à la presse Inès Madrigal, qui a dénoncé le médecin.

Un réseau de "vol" de bébés. Cet ex-obstétricien de 85 ans, qui a dirigé pendant 20 ans jusqu'en 1982 la clinique San Ramon de Madrid, aurait été un des principaux acteurs du trafic qui pourrait avoir touché des milliers d'enfants depuis la dictature de Franco (1939-1975). Souvent avec la complicité de l'Église catholique, les enfants étaient retirés à leurs parents après l'accouchement, déclarés morts sans qu'on leur en fournisse la preuve, et adoptés par des couples stériles, de préférence proches du régime "national-catholique".

Dans ce procès, Eduardo Vela est accusé par Inès Madrigal, employée des chemins de fer de 49 ans, de l'avoir séparée de sa mère biologique Inès Pérez et d'avoir falsifié son acte de naissance en juin 1969. Le parquet réclame 11 ans de prison à son encontre.

Une journaliste de France 3 interrogée. Six témoins devaient comparaître mardi, dont une journaliste de la chaîne française de télévision France 2 qui a enregistré en caméra cachée la confession de Vela sur le bébé offert en "cadeau". Selon une source judiciaire, elle sera interrogée en vidéo-conférence.

"Cette journée pourrait être historique [parce qu'elle] pourrait déboucher sur un jugement qui considérerait les faits comme établis. Jusqu'à présent, nous n'avons que des accusations", a déclaré Guillermo Peña, avocat d'Inès Madrigal. D'après lui, les trois juges du tribunal pourraient prononcer la sentence d'ici un mois.

Un trafic né sous Franco. Mais malgré l'ampleur du scandale, aucune des plus de 2.000 plaintes déposées selon les associations n'a abouti, souvent en raison de la prescription des faits. La pratique du "vol de bébés" est née pendant la répression qui a suivi la guerre civile (1936-1939) : les enfants étaient soustraits à des opposantes accusées de transmettre le "gène" du marxisme.

Puis à partir des années 1950, des enfants nés hors mariage, ou dans les familles pauvres ou très nombreuses, ont été visés. Le trafic a perduré sous la démocratie, au moins jusqu'en 1987, cette fois pour faire de l'argent. Le même phénomène s'est reproduit en Argentine pendant la dictature militaire (1976-1983) quand quelque 500 nouveaux-nés ont été arrachés à des détenues et confiés en adoption à des familles soutenant le régime.