En Espagne, le loto de Noël résiste

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avec agences , modifié à
En pleine crise, près de 80% des Espagnols n'ont pas hésité à jouer au "Gordo", la loterie de Noël.

58.268. C'est le numéro qu'il fallait jouer en Espagne pour remporter le gros lot : 400.000 euros. Le tirage du Gordo a commencé jeudi matin en Espagne. Ils étaient des millions d'Espagnols à attendre avec fébrilité les résultats de ce loto de Noël. Tradition vieille de près de deux siècles, le fameux tirage du "Gordo" est un rituel pratiquement inévitable en Espagne, même en temps de crise.

En tout, près de quatre Espagnols sur cinq auront tenté leur chance cette année. Malgré la crise… et le prix du billet : 20 euros l'unité. La dépense moyenne dépassera même les 60 euros. Famille, amis et collègues peuvent en effet jouer un même numéro et se répartir ensuite les gains s'ils sont chanceux.

D'ailleurs, 70% des Espagnols qui ont joué au Gordo sur Internet sont des "mileurtas", ces jeunes diplômés qui gagnent seulement près de 1.000 euros par mois, d'après une étude de Nielsen. Signe que face à un avenir morose, le rêve de devenir riche du jour au lendemain fait recette.

3,6 milliards d'euros de recettes

L'attachement des Espagnols à la tradition du "Gordo" permettra en tout cas à la société nationale de loterie, comme chaque année, de récolter une petite fortune, même si 70% des recettes sont redistribuées aux gagnants. Ce qui en fait le tirage le plus "généreux" du monde, souligne Juan Antonio Gallardo, directeur commercial de la société nationale de loterie.

Un nouveau gros lot, augmenté pour la première fois cette année jusqu'à 400.000 euros par billet gagnant, ajouté à un plus grand nombre de "décimos" mis en vente, lui font prédire que les recettes pourraient atteindre un nouveau sommet : 3,6 milliards d'euros contre 2,7 milliards en 2010.

"La loterie de Noël est inscrite dans l'ADN des Espagnols, il n'y a aucune loterie dans le monde qui vende autant", explique Juan Antonio Gallardo. Alors qu'une nouvelle récession point le bout de son nez en zone euro, ce succès n'est pas non plus sans rappeler celui de la Française des jeux depuis la crise.

Consommation en berne

Mais cela ne masque pas la crise profonde que traverse l'Espagne. Frappés par un taux de chômage dépassant 21%, les Espagnols s'attendent à subir de nouvelles mesures d'austérité en 2012. Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a déjà promis au moins 16,5 milliards de nouvelles économies budgétaires.

Et si les Espagnols continuent de jouer, ils réduisent aussi leurs achats. Selon la fédération des usagers-consommateurs indépendants (FUCI), les foyers espagnols dépenseront 560 euros pour Noël, soit 114 euros de moins qu'en 2010.

"Une consommation fragile, frugale et fatiguée" conclut pour sa part un rapport de l'école de commerce espagnole ESADE, qui prévoit une chute de 40% des dépenses de Noël cette année, jusqu'entre 600 et 650 euros.