En Afrique, Macron mise sur la réalpolitik

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Vincent Hervouët, édité par M.B.
En proposant de mettre en place des missions de protection pour dans des pays comme le Niger, Emmanuel Macron adapte la "réalpolitik" au continent africain.
EDITO

Emmanuel Macron aime les panoplies. Pilote, sous-marinier, supporter de l'OM... Il en a déjà essayé beaucoup cette été. S'il lui manque encore le Panama de François Mitterrand ou les sahariennes de Valéry Giscard d'Estaing, on peut néanmoins d'ores et déjà parler de Macron l'Africain. Le président doit en effet annoncer mardi la création de son conseil présidentiel pour l'Afrique. 

Missions de protection. Lundi, le sommet Europe-Afrique a acté la création de missions de protection en Afrique pour les demandeurs d'asile. Des centres de tri doivent être mis en place avec l'aide du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) dans des pays de transit, comme le Niger. Le président nigérien était d'ailleurs à l'Élysée. En échange, il réclame de l'aide, à l'image de ce que les Turcs ont obtenu pour bloquer la route des réfugiés syriens.

La stabilité du Sahel menacée. Pour les spécialistes, néanmoins, cette idée n'est pas la bonne. D'abord parce que les migrants en route ne prendront pas, selon eux, le risque de se retrouver piégés. Ensuite parce que le Niger n'est pas seulement un pays de transit. C'est un élément du problème. Le pays, qui a vu sa population passer de 3 millions d'habitants lors de son indépendance, en 1960, à vingt millions aujourd'hui, n'a toujours que l'uranium pour unique ressource. Tous ses efforts de développement sont sapés par les prédictions démographiques, à 80 millions d'habitants en 2050, ce qui menacerait la stabilité du Sahel et donc la sécurité de l'Europe.

Le pape et le jésuite. La semaine dernière, pour la journée des migrants, le pape François a estimé que la sécurité nationale passait après la sécurité personnelle des migrants. Pour lui, tous devraient avoir un accès sans limite aux systèmes de pension, à l’assistance sociale, au regroupement familial. Peut-être parce que le chef de l'Église catholique a passé par pertes et profits l'Europe qui n'est plus chrétienne, et qu'il mise tout sur la foi des Africains. De son côté, Emmanuel Macron, plus froid et moins émotif, reste un bon élève des jésuites. Simple comme une colombe mais prudent comme un serpent. Très hypocrite, aussi. Les missions de protection sont une première étape en Afrique pour que les migrants restent en vie... ou en marche, mais pour rentrer chez eux.

Réalpolitik. Avec de telles initiatives, c'est le fantôme de Jacques Foccart qui semble revenir hanter l'Élysée. Jacques Foccart, l'homme au bras long et aux mains sales que la droite jalousait et que la gauche adorait détester. Un vrai ministre des Affaires étrangères, qui retrouvait tous les soirs le général de Gaulle en tête à tête dans son bureau. Son ombre plane sur toutes les barbouzeries qui ont permis à Paris de décoloniser en limitant les bains de sang et en gardant du pouvoir en Afrique. Derrière la caricature, Foccart incarne une "réalpolitik" qu'Emmanuel Macron, aujourd'hui, reprend à son compte.