Egypte : la rue gronde

Des dizaines de milliers de personnes se massaient toujours lundi soir sur la place Tahrir au Caire.
Des dizaines de milliers de personnes se massaient toujours lundi soir sur la place Tahrir au Caire. © REUTERS
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avec notre reporter en Egypte, François Clauss , modifié à
Le gouvernement a présenté sa démission. Mais l'armée a refusé, annonçant une réunion d'urgence.

La place Tahrir réoccupée, un gouvernement qui démissionne : la tension ne cesse de monter en Egypte à quelques heures d'une nouvelle manifestation contre le régime. Le gouvernement égyptien a présenté lundi soir sa démission au Conseil suprême des forces armées (CSFA) au pouvoir depuis le départ du président Hosni Moubarak en février. Cette démission a été décidée "au vu des circonstances difficiles que traverse actuellement le pays", a détaillé Mohamed Hijazi.

Dans la nuit de lundi à mardi, après déjà deux jours de manifestations, les troubles ont continué au Caire : sur la place Tahrir, des dizaines de milliers de manifestants ont scandé "Le peuple veut la chute du maréchal" Hussein Tantaoui, à la tête du conseil militaire et dirigeant de facto de l'Egypte.

Une démission refusée par les militaires

Les sources se contredisaient toutefois lundi soir, quant à savoir si le Conseil suprême des forces armées avait accepté ou refusé cette démission. Selon la télévision publique, le Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir en Egypte depuis la chute du président Hosni Moubarak en février, a refusé d’accepter la démission du gouvernement.

Mais après cette annonce, le ministre de l'Information Osama Haikel, a déclaré que l'armée ne s'était pas encore prononcée, laissant planer l'incertitude sur cette vacance à une semaine du premier scrutin législatif depuis le départ de Hosni Moubarak, chassé du pouvoir par une révolte populaire le 11 février.

Lundi matin, le ministre égyptien de la Culture, Emad Abou Ghazi, avait déjà annoncé sa démission. Il a justifié son geste en expliquant protester contre la réaction du gouvernement face aux violences entre manifestants et forces de l'ordre. En effet, depuis samedi, des affrontements meurtriers opposent la police à des milliers de manifestants, notamment sur l'emblématique place Tahrir au Caire.

L'armée pour une réunion d'urgence

Plus tard dans la soirée lundi, le CFSA a appelé les forces politiques du pays à une réunion d'urgence. Le CSFA "appelle en urgence toutes les forces politiques et nationales à un dialogue pour examiner les causes qui ont aggravé la crise actuelle et les moyens d'en sortir le plus rapidement possible afin de préserver la paix nationale", selon le communiqué.

Le CSFA exhorte "l'ensemble des forces politiques et nationales ainsi que tous les citoyens à s'engager à rétablir le calme et à créer un climat de stabilité au travers du processus politique visant à instaurer un régime démocratique", précise le communiqué.

Les manifestants pour la fin du régime militaire

Les manifestants réclament la fin du pouvoir militaire qui s'est installé au départ d’Hosni Moubarak, qu'ils accusent de vouloir rester à la tête de l'Etat et de perpétuer le système répressif en place sous l'ancien président. Essam Charaf, nommé à la tête du gouvernement en mars, était très populaire à son arrivée parmi les militants pro-démocratie, mais son image s'est ensuite ternie en raison du peu de pouvoir de son gouvernement face à la tutelle de l'armée et de la lenteur de la mise en œuvre de réformes.

Une nouvelle manifestation massive est donc prévue mardi sur la place Tahrir au Caire contre le pouvoir militaire. Seule l'organisation des Frères Musulmans s'est désolidarisée de cette opération, arguant de ne pas vouloir "entraîner le peuple vers de nouveaux affrontements sanglants avec des parties qui cherchent davantage de tensions", selon un communiqué posté lundi soir sur son site internet.

Un militant égyptien raconte l'ambiance qui règne place Tahrir, bastion de la révolte :

"Le régime militaire est mort, est mort", "Liberté, liberté !", pouvait-on entendre dans le rang des manifestants. Vingt-quatre personnes ont officiellement péri dans ces heurts qui ont également fait plusieurs centaines de blessés dans plusieurs villes du pays.