Deux pirates somaliens leurrés par la police belge

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avec AFP , modifié à
RECIT - Les deux chefs pirates croyaient se rendre à Bruxelles pour tourner un film. Ils ont été arrêtés.

Confortablement installés dans l’avion qui les amenait de Nairobi à Bruxelles, Mohamed Abdi Hassan et son compagnon de route, Mohammed Aden, ne soupçonnaient pas un instant ce qui les attendait à leur arrivée. Sur le tarmac de l’aéroport de Bruxelles, samedi, ce sont des agents de la police belge qui ont accueilli les deux hommes de nationalité somalienne. Les deux compères pensaient se rendre dans la capitale belge pour participer à un film sur la piraterie. Un leurre savamment organisé par la police d’outre-quiévrain pour ferrer les deux gros poissons de la piraterie dans la corne de l'Afrique au terme d’une longue enquête. Ils ont été placés en détention préventive par un juge d'instruction de Bruges.

Car Mohamed Abdi Hassan, alias Afweyne "Grande Gueule" en somali et Mohammed Aden, surnommé "Tiiceey", un ancien gouverneur de la province somalienne de l'Himan et Heeb, ont été inculpés de "détournement" et "prise d'otages" du navire belge Pompéi en 2009. Ils sont également accusés d’avoir participé à une "organisation criminelle".

Ferrer de gros poissons, pas seulement les sous-fifres. Les deux "pirates en chef", avec un groupe d’hommes de mains, avaient détourné le Pompéi pendant plus de 70 jours au large de la Somalie. Deux pirates somaliens ayant participé à l'arraisonnement du navire, libéré contre une rançon estimée à 2 millions d'euros par la presse belge, ont déjà été condamnés à Bruxelles à des peines de neuf et dix ans de prison.

Après 72 jours de captivité, l'équipage du Pompéi avait été libéré :

Le parquet fédéral n’entendait pas se limiter aux "sous-fifres" et voulait frapper fort. Il a donc décidé de se lancer à la poursuite des dirigeants qui commanditent ou organisent ces opérations de piraterie et empochent la majeure partie des rançons. Afweyne, alias "Grande Gueule" est considéré comme "l'un des dirigeants les plus notoires et les plus influents du réseau de piraterie Hobyo-Harardheere", par le Groupe de contrôle de l'ONU sur la Somalie et l'Erythrée. Hobyo-Harardheere est l’une des deux principales organisations pirates somaliennes.

Un stratagème bien pensé. Selon les enquêteurs belges, "certains éléments" permettent de supposer que Afweyne a joué un rôle central lors de la prise du Pompéi, "entre autres en tant qu'organisateur et financier". Mais son arrestation a été le fruit d’une longue préparation. Voyageant peu et étant particulièrement méfiant, Afweyne n’était pas facile à attirer dans les filets belges. Les "unités spéciales" de la police locale ont donc "élaboré une opération d'infiltration" pour le faire sortir du pays et l'interpeller.

Et quoi de mieux que flatter l’égo des pirates pour les mettre en confiance. "Le plan consistait à approcher Afweyne par l'intermédiaire de son complice Tiiceey, à qui il faisait confiance", a raconté le procureur fédéral belge, Johan Delmulle. L'ancien chef pirate "a été sollicité via Tiiceey pour collaborer en tant que conseiller et expert à un projet de film sur la piraterie maritime". "Ce film devait soi-disant refléter sa vie de pirate", a ajouté le procureur. Après "plusieurs mois" de patientes tractations, les deux hommes ont finalement mordu à l'hameçon.

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Les pirates quittent le Faina pour se réfugier sur les côtes somaliennes.

Des armes et des barils de brut. Mohamed Abdi Hassan est en fait considéré comme l'un des cerveaux des opérations de pirateries contre des dizaines de navires marchands entre 2008 et 2013. Et "Tiiceey" est soupçonné d'avoir "activement soutenu" ses activités. Deux des captures les plus spectaculaires de la piraterie moderne somalienne sont attribuées à Afweyne. Celle, en septembre 2008 du Faina, un cargo ukrainien chargé d'armes, notamment de chars d'assaut, systèmes de défense anti-aérienne, lance-roquettes et munitions.

Et surtout, deux mois plus tard, il avait attaqué le superpétrolier saoudien Sirius Star. Ce mastodonte long de 330 mètres  transportait deux millions de barils de brut, une cargaison évaluée à 100 millions de dollars. De quoi attirer l’attention du pirate qui avait fini par libérer le navire en échange de rançons de plusieurs millions de dollars.

L’Union européenne se félicite. Le piège tendu par la police belge a été salué par un porte-parole de Catherine Ashton, représentante de la diplomatie européenne. Mais il a surtout salué une "étape significative dans la lutte contre la piraterie". L'Union européenne a promis qu'elle n'allait "pas relâcher ses efforts et allait continuer à assurer une dissuasion en mer avec son opération Atalante", tout en coopérant avec les pays de la région pour s'attaquer "aux racines de la piraterie".