Des biocarburants à partir des eaux usés ?

Des projets couplent actuellement la production de biocarburants au traitement des eaux usées.
Des projets couplent actuellement la production de biocarburants au traitement des eaux usées. © Max PPP
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Charles Carrasco
Un projet de production de biogaz à partir de microalgues est en train d’être expérimenté en Espagne.

L’INFO. C’est une filière extrêmement prometteuse. En Espagne, un projet, baptisé All-Gas, expérimente la production de biogaz tiré des eaux usées grâce à l’action des microalgues, rapporte Le Monde jeudi. L’Europe, qui finance à 60% ce projet, est très intéressée par les nouvelles possibilités qu’offrent les microalgues. Explications.

Comment ça marche ? La technique utilisée est celle du lagunage, une technique d’épuration naturelle des eaux. Des microalgues, qui se développent par photosynthèse, ont été cultivées dans des bassins de la station d'épuration de la ville balnéaire de Chiclana de la Frontera, près de Cadix. Y est injecté du dioxyde de carbone (CO2), issu de la combustion de déchets verts. Dans cette eau usée, les algues transforment alors le CO2 en oxygène, ce qui créé le développement de bactéries qui « dégradent la matière organique », explique Frank Rogalla, interrogé par Le Monde. Microalgues et matière organique sont ensuite récoltées puis placées dans des digesteurs qui produisent un biogaz, composé surtout de méthane. Pour l’instant, la production reste faible. Les responsables du projet comptent utiliser 100 tonnes d’algues par hectare et par an pour produire 450 tonnes de méthane par an.

Limiter l’impact sur les productions alimentaires. Ce projet s’inscrit plus largement dans une volonté d’encadrement de la production d’agrocarburants afin de limiter leur impact négatif sur les productions alimentaires. Le Parlement européen doit se prononcer en septembre sur ce sujet. Des mesures ont d’ores et déjà ont été approuvées début juillet lors d'un vote de la Commission Environnement du Parlement européen. Elles plafonnent à 5,5% la part des agrocarburants dits de "première génération", c'est-à-dire produits à base de cultures alimentaires (blé, maïs, betteraves, colza) utilisables dans les transports d'ici à 2020, et fixent un objectif de 2% pour les agrocarburants de deuxième génération (algues, déchets, bois, paille, etc.), afin d'encourager la filière. L’ONU réclame également l’arrêt du superéthanol en Europe, un biocarburant de première génération qui est dans le viseur de Bruxelles et des écologistes pour sa responsabilité supposée dans la déforestation. 

Quid de la rentabilité ? Des microalguesont l’avantage d’avoir un rendement supérieur à celui des agrocarburants traditionnels. Elles sont plus simples à cultiver et nécessitent moins d’espace au sol. Reste la question de la rentabilité. Naskeo environnement, une PME française, s’est également lancée il y a plusieurs années dans la production de biométhane grâce au tandem microalgues-eaux usées et tire le constat suivant : une tonne de matière sèche d’algues coûte entre 60 et 90 euros, soit trois à quatre fois plus que le maïs qui peut être transformé en biocarburant, explique le quotidien Le Monde. 

"Avec les algues, on n'est pas encore à 1 euro du litre de carburant, c'est certain. On est plutôt autour de 5 à 10. Il y a encore des verrous, notamment sur l'énergie consommée pour récolter. Mais on sait que c'est faisable et un jour on va y arriver", assure Jean-Philippe Steyer, directeur de recherches au laboratoire de biotechnologie de l'environnement de l'Inra à Narbonne, interrogé par Le Point. Pour les scientifiques, l’horizon 2020 est une date plus raisonnable pour parler de production à grande échelle.