Des armes de torture présentées sur un salon à Paris

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Des boucliers dotés de pointes électrifiées ou encore des menottes lestées, ont été présentées par deux sociétés chinoises sur le salon Milipol.

C’est au détour d’une allée, sur le stand d’une société chinoise, que des membres de la fondation Omega, en collaboration avec Amnesty International ont fait une surprenante découverte. Des armes, considérées comme des instruments de torture, ont été présentées au grand public, en novembre dernier, lors de l’édition 2015 du salon mondial de la sécurité intérieure des Etats (Milipol), organisé sous l’égide du ministère de l’Intérieur.  

" Ces équipements sont strictement interdits à l’importation sur le territoire "

C’est sur ce salon que viennent se fournir les professionnels en équipement de sécurité, de lutte anti-terroriste ou encore de protection des sites sensibles. Mais parmi les 949 exposants cette année, certains auraient pris quelques libertés avec la réglementation européenne en matière d’équipement de sécurité pouvant servir à la torture, qui interdit strictement leur importation dans l’espace européen. C’est ce que dénonce l’ONG Amnesty International dans un nouveau rapport publié lundi.

" Une des deux sociétés a présenté un bouclier à pointes électrifiées. Il faut imaginer un bouclier rond, barré de pointes acérées, qui sont électrifiées. Et l’autre société a importé des menottes pour les chevilles avec des chaînes lestées", détaille Aymeric Elluin, de l’ONG Amnesty International, interrogé par Europe 1. "Or, ces équipements sont strictement interdits à l’importation sur le territoire de l’Union européenne. Et pourtant ces deux en entreprises chinoises ont amené ces produits avec elles, à Paris, sans que cela ne gêne qui que ce soit", poursuit le spécialiste.

Pendant quatre jours, ces entreprises ont donc présenté des produits interdits à l’importation et à l’exportation sur le territoire français, aux 24.056 visiteurs, venus de 143 pays. Du côté de l’organisateur du salon, l’agence Civipol, rattachée au ministère de l’Intérieur, on explique ne pas être au courant de la présence de ces armes sur le salon. Mais on met en avant l’ampleur logistique que représente cet événement avec "949 stands sur plus de 20.000 mètres carrés".

Mais certains glissent à demi-mot qu’il y a sans doute eu des failles dans le système de contrôle. Ces armes de torture ont pu passer entre les mailles du filet. D’ailleurs en 2013 Milipol avait été épinglé pour des faits similaires, admet l’organisateur.

"La promotion n’est pas interdite, c’est une incohérence"

Autre cas, signalé par l'ONG, celui d'une société française vantant les mérites de menottes pour pouces. Ces dernières sont également inscrites sur la liste des instruments interdits à l’import et à l’export en Europe. Mais cette-fois, l’exposant a  joué sur une faille de la législation européenne, qui condamne le commerce de ces menottes, mais pas le fait d’en faire la promotion.

"La promotion n’est pas interdite, c’est une incohérence", dénonce le spécialiste d’Amnesty International. "Comment peut-on dire aujourd’hui que nous luttons contre la pratique de la torture et contre la vente de produits pouvant servir à la torture en autorisant leur promotion ?", s’agace-t-il. "Et puis, si on fait la promotion de ces produits sur un salon mondial, c’est bien pour les vendre et donc les exporter, alors que c’est interdit par la réglementation européenne. C’est une hypocrisie que de penser l’inverse".

Il est vrai que, sur son site internet, le Milipol se targue d’être "le premier salon mondial de la sécurité intérieure". On peut d’ailleurs lire, dans la brochure consacrée à l’édition 2015, que les 24.056 visiteurs étaient venus de 143 pays différents. Un salon incontestablement tourné vers l’international et donc vers l’export.