Dans quel état le roi Abdallah laisse-t-il l'Arabie saoudite ?

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avec agences
Pétrole, droits de l'homme, réformes sociales, diplomatie : de quelle Arabie saoudite le nouveau monarque hérite-t-il ? 

Le roi est mort, vive le roi. Avant même son intronisation officielle, le nouveau monarque saoudien, Salmane, a prévenu : ceux qui s'attendent à un changement radical seront déçus. "Nous resterons, avec la force de Dieu, sur le droit chemin que cet Etat a suivi depuis sa création par le roi Abdel Aziz Ben Saoud et par ses fils après lui", a-t-il indiqué vendredi.

Mais après une décennie de règne, Abdallah laisse à son successeur une vague de réformes entamées et de nombreux chantiers sur les bras. Europe 1.fr fait le point sur les principaux dossiers et défis qui attendent le royaume.

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La manne pétrolière. Après l'annonce de la mort d'Abdallah, les cours de l'or noir, erratique depuis le début de l'année ont connu un fort rebond. Mais malgré ce sursaut, les prix sont toujours en repli. Car depuis juin 2014, la valeur du baril a diminué de moitié, sous l'effet de la surabondance de l'offre, face à une demande morose. Une situation entretenue par l'Arabie saoudite, premier exportateur mondial, pour contrer le gaz de schiste comme ses principaux concurrents, dont la Russie. 

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Là encore, le nouveau monarque devrait marcher dans les pas de son prédécesseur. "Après la mort du roi, je ne m'attends pas à un changement significatif de la politique pétrolière de l'Arabie saoudite", a d'ailleurs déclaré le chef économiste de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), l'organisation chargée de défendre les intérêts des pays consommateurs.

Le pétrole est une ressource très importante pour le pays. Lors du printemps arabe, Abdallah avait prélevé 36 milliards de dollars de ses rentes pour financer de vastes programmes afin de contenir le mouvement régional hors de ses frontières.

Les réformes sociétales. Salmane poursuivra-t-il le prudent processus de réformes engagées par son demi-frère ? En 2005, Abdallah avait organisé les premières élections municipales partielles du pays. Le monarque avait aussi accordé aux femmes le droit de vote au prochain scrutin de 2015. Mais celles-ci n'ont toujours pas le droit de conduire et de travailler, ou encore de se marier et voyager sans l'autorisation d'un proche parent de sexe masculin.

Sur ces dossiers, le nouveau monarque, décrit comme un homme "prudent", devrait donc s'inscrire dans la continuité des actions menées. Selon Reuters, ce dernier est ainsi connu pour son opposition au système démocratique, qui selon ses propos, ne conviendrait pas au royaume saoudien conservateur.

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La menace de l'Etat islamique. Le nouveau roi devra par ailleurs surveiller la menace terroriste. Menacé à ses frontières par le groupe Etat islamique (EI), l'Arabie saoudite avait rejoint la coalition internationale et participé aux raids contre les djihadistes, actifs aux portes du royaume.

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Face aux menaces djihadistes, le pays a décidé d'ériger une vaste muraille à sa frontière avec l'Irak. Car le royaume, berceau de l'Islam et détenteur des "deux mosquées saintes" de Médine et de la Mecque, représente une cible pour les terroristes.

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Des voisins à surveiller. Si le royaume surveille ses frontières nordistes, celles du sud l'inquiètent aussi. Le gouvernement yéménite, soutenu par Riyad, a été renversé par des rebelles, notamment appuyés par l'Iran, son adversaire diplomatique. Dans un entretien, un responsable saoudien qualifiait la situation yéménite de "problème existentiel", souligne Slate.

Autre grand dossier : ses relations avec l'Iran. Les deux pays sont en froid depuis la révolution islamique à Téhéran en 1979, rappelle Reuters. Parmi les dossiers sur lesquels ils s'affrontent, l'évolution des cours du pétrole et les conflits en Syrie figurent en bonne place. Cette opposition a d'ailleurs provoqué un léger rafraîchissement dans les relations entre l'Arabie saoudite et les Etats-unis, deux alliés géopolitiques, à propos des discussions engagée sur le nucléaire iranien. 

Les inquiétudes des ONG quant aux droits de l'homme. Cette continuité revendiquée par le nouveau monarque inquiète Amnesty International. L'organisation dénonce le non-respect des droits de l'homme dans le royaume, évoquant les peines de mort et citant le cas du bloggeur Raef Badaoui, condamné à 1000 coups de fouet pour "insulte à l'islam". 

Même son de cloche de la part de Human Rights Watch, qui appelle le roi à "faire progresser le pays en mettant fin à l'intolérance". Pour ce responsable de l'organisation de défense des droits de l'Homme, le nouveau souverain doit prendre des mesures "pour interdire les discriminations envers les femmes et les minorités religieuses et protéger la liberté de parole".