Dans la correspondance privée de Breivik

Au fil des pages, on redécouvre un Breivik froid, méthodique, plutôt éloquent, qui ne trahit que peu d'émotions.
Au fil des pages, on redécouvre un Breivik froid, méthodique, plutôt éloquent, qui ne trahit que peu d'émotions. © REUTERS
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Charles Carrasco avec AFP
Les e-mails du tueur d'Oslo ont été révélés au public dans un livre paru lundi en Norvège.

Des "émoticones" ici ou là mais globalement très peu d'émotions. Dans un livre paru lundi en Norvège, la correspondance électronique inédite d'Anders Behring Breivik montre surtout la minutie avec laquelle le tueur a préparé les attaques du 22 juillet 2011. Déjà auteur d'un ouvrage sur la tragédie qui a fait 77 morts, le journaliste Kjetil Stormark a passé au peigne fin plus de 7.000 courriels provenant de quatre comptes de messagerie utilisés par l'extrémiste de droite avant le massacre.

Pour ce spécialiste de la chronique judiciaire, la correspondance de Breivik prouve qu'il est capable d'empathie et donc qu'il est pénalement responsable comme l'a estimé la justice norvégienne le mois dernier. "Ces messages ne donnent pas une image complète mais montrent combien il semble patient et empathique dans certaines situations", a décrypté Kjetil Stormark qui estime que la justice a correctement tranché en optant pour la prison plutôt que pour l'internement psychiatrique.

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"Mille mercis pour ces jolies photos"

Le livre a été rendu possible grâce à des hackers qui ont piraté les messageries de Breivik après la tuerie puis ont fourni leur contenu au journaliste afin qu'il les transmette à son tour à la police. Une tâche dont l'intéressé s'est acquitté avant d'écrire l'ouvrage. Les avocats de breivik ont, malgré tout, protesté contre sa parution, estimant qu'il enfreignait la loi sur la protection des données personnelles.

montage breivik

© REUTERS

Au fil des pages, on redécouvre un Breivik froid, méthodique, plutôt éloquent, qui ne trahit que peu d'émotions, très semblable à l'image qu'il a renvoyée pendant les dix semaines de son procès. Rares sont, il est vrai, les messages adressés à ses proches, sinon quelques mots envoyés de manière intermittente à sa demi-sœur établie aux Etats-Unis.

"Mille mercis pour ces jolies photos, vais les montrer à maman!:D", écrit-il à sa "sis" -vraisemblablement une abréviation de "sister"- en mars 2010, au lendemain d'une naissance. "J'espère que tu vas un peu mieux", ajoute-t-il avant de signer "Annis", une phonétique susceptible d'évoquer son prénom prononcé par un jeune enfant.

"Noël a été OK"

Début janvier 2011, il exprime aussi sa tristesse auprès de l'acquéreur d'une de ses armes. Celui-ci lui avait fait part d'un décès dans sa famille. "J'espère que, pour ta famille et toi-même, Noël a été OK malgré cela", écrit-il, le tutoiement étant la règle en Norvège.

Après les attaques, les deux premiers experts-psychiatres officiels qui ont examiné Breivik ont conclu qu'il souffrait de psychose, s'appuyant notamment sur son manque d'affect. Un diagnostic qui a ensuite été contredit par d'autres experts puis par la Cour.

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Des pièces d'uniforme

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© reuters

Le livre Les courriers électroniques privés d'un tueur de masse reproduit également de nombreux échanges, par moments rébarbatifs, portant sur des transactions qui ont permis à Breivik de lever de l'argent et de se procurer les équipements nécessaires à son projet criminel.

Outre un fusil inutilisé qu'il met en vente parce qu'il le juge inadéquat, Breivik cède ainsi un service de table, un jeu de pneus, une voiture ou encore une montre très coûteuse. A l'inverse, il multiplie les achats sur Internet comme ce gyrophare acheté sur eBay en avril 2011, trois mois avant les attaques, et ces pièces d'uniforme afin de se faire passer pour un policier le jour du massacre.

Cette tragédie aurait pu être évitée, conclut l'auteur de l'ouvrage. Breivik aurait pu été "détecté" avant le 22 juillet, assure-t-il, si le Renseignement intérieur (PST) avait disposé d'un système informatique capable de corréler les achats en ligne suspects.