Crise migratoire : Merkel va-t-elle y laisser sa place ?

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Vincent Hervouët , modifié à
La coalition qui a permis à Angela Merkel de se maintenir au pouvoir menace d'imploser après l'ultimatum que lui a lancé un ministre issu de la CSU quant à la politique migratoire de l'UE.
EDITO

Angela Merkel vit son agonie politique. Elle peut durer mais le pronostic vital est engagé. En 2016, elle a été applaudie quand elle a ouvert les bras aux migrants. C’est l’époque où les Allemands accueillaient avec des bouquets de fleurs les trains qui remontaient des Balkans. Et puis l’opinion a vrillé, elle vit cette immigration comme une invasion, elle tient sa chancelière pour responsable de chaque fait divers qui implique un migrant. Aux élections de septembre, les partis au pouvoir ont été laminés. Cela n’a pas suffi : après six mois de piétinement, ils ont recommencé à gouverner ensemble. Comment imaginer qu’un tel tour de passe-passe restaure une autorité ?

Un plan B qui pourrait impliquer le départ de Merkel. Les Bavarois de la CSU redoutent de perdre les élections à l’automne, au profit des furieux de l’AFD. Ils vivent leur perte d’influence comme une fin du monde wagnérienne. L’heure est à la tambouille politicienne et Mutti sait cuisiner. Les frères siamois CDU/CSU ne peuvent divorcer. Et comment imaginer que la coalition de gouvernement avec les sociaux-démocrates implose : il n’y a pas de plan B ! Si les Allemands retournent aux urnes, les populistes de l’AFD en profiteront. Il y a peut-être une solution de rechange, un plan M comme Merkel, qui consisterait à la pousser dehors. Treize ans, ça suffit. L’idée fait son chemin.

Trouver une politique migratoire commune. Angela Merkel estime que l'Europe risque d'imploser. Le refoulement d’immigrants sans papiers pourrait entraîner une paralysie générale. C’est le scénario catastrophe. La version soft met le Conseil européen au défi de trouver enfin une politique commune de l’asile et de renforcer le contrôle des frontières extérieures. Les accords de Schengen, le règlement de Dublin, Frontex, ont été pensés dans un autre monde, il y a vingt ans. Ils sont caducs. 

Un séisme géo-politique. Mais au-delà, l’immigration est bien le 11-Septembre de l’Union européenne. À Manhattan, les Américains ont pris conscience de leur vulnérabilité, qu’ils n’étaient plus sur une île, à l’abri du chaos mondial. Pareil pour les Européens avec la ruée des migrants. Ce ne sont plus des avions qui s’écrasent sur les tours, mais des rafiots qui échouent sur les côtes. L’Union européenne est dépassée par l’ampleur du phénomène, elle est désarmée par la compassion, démunie devant la division de ses membres, le Brexit, la vague populiste, la dissidence du groupe de Visgrad, autant de coups de boutoir liés à l’immigration.

Le monde entier veut faire de l’Europe sa résidence et le syndicat des copropriétaires est aux abonnés absents. L’Union européenne si pacifique, si confortable, un peu grasse, décadente aussi, l’Union se sent mortelle. C’est nouveau. C’est le début de la sagesse. Sa survie impose une remise en cause radicale.