Comment sont pris en charge les enfants des djihadistes français "revenants" ?

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Jean-Sébastien Soldaïni
ENQUÊTE - 77 enfants de djihadistes français, partis combattre pour le compte de l'État islamique en zone irako-syrienne, sont rentrés en France. L'État a pour mission de les prendre en charge. Mais de quelle manière ?
L'ENQUÊTE DU 8H

On les appelle les "revenants". Ces Français sont partis combattre en Syrie ou en Irak pour rejoindre les rangs de Daech, et sont désormais susceptibles de rentrer en France. Avec leur retour, se pose la question de la prise en charge de leurs enfants, de nationalité française.

Comment d'enfants sont concernés ? À ce jour, ils sont très précisément 77 enfants à être revenus en France. Leur arrivée s'est échelonnée sur les deux dernières années. Pour ceux qui sont encore dans la zone irako-syrienne, le chiffre est plus flou. Ils seraient entre 350 et 450 mineurs, selon une estimation des services de renseignement. S'il n'existe pas de liste précise, c'est parce que beaucoup d'entre eux sont nés sur place et n'ont donc pas été déclarés. Seule une trentaine est parfaitement identifiée, car leurs parents ont été arrêtés et toujours détenus dans la zone.

Traumatisés par la séparation avec leur mère. À leur retour, ces enfants se trouvent dans un état psychologique très compliqué. Mais les atrocités d'une zone de guerre ne sont pas la première cause de leur traumatisme. "On a une séparation entre une mère et un enfant qui n'a connu qu'une relation quasi-exclusive avec elle. On se rendra compte des effets de la proximité avec un environnement extrêmement violent dans le temps. En revanche, le diagnostic psychologique qui est fait dès l'arrivée de l'enfant est forcément embrassé par le traumatisme que subit l'enfant au moment de la séparation avec sa mère", explique Jules Boyadjian, président de l'association Artémis, spécialisée dans la prévention de la radicalisation.

Traités comme les autres. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ces enfants ne bénéficient pas d'un suivi très spécifique. Ils sont traités comme les autres, pour qu'ils se développent comme les autres, assure Nabil, l'un des formateurs d'Artémis. "On a l'habitude de travailler sur la violence extrême, sur la délinquance. Le phénomène de radicalisation doit être traité comme on traite le phénomène de maltraitance des enfants", considère-t-il.

Des familles d'accueil qu'il faut accompagner. Les familles d'accueil ou les foyers qui reçoivent ces enfants sont un peu déboussolés. Jules Boyadjian admet qu'ils doivent parfois surmonter les peurs et les "a priori", car ces familles ne se sont pas spécialement portées candidates pour ces profils. "Certains vont vous dire que c'est un problème religieux, qu'ils ne veulent pas y toucher, que leur pratique religieuse les dérange, etc. D'autres vont vous dire que l'enfant est confronté à un problème psychologique profond", illustre-t-il.

Tout en travaillant sur les enfants, il est donc primordial d'accompagner les familles qui les accueillent. Ce sont exactement les mêmes que celles qui hébergent les enfants placés pour délinquance ou les enfants abandonnés. Il n'existe aucune présélection. Et vu le nombre de familles candidates, les autorités n'ont pas le luxe de faire un tri.