Comment le nord du Mali a une nouvelle fois basculé dans la violence

Un soldat à Kidal
Un soldat à Kidal © Reuters
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Le feu séparatiste reprend dans l’Azawad, au Mali. Bamako a voulu reprendre la main sur le Nord. C’est loupé.

L’INFO. Après plusieurs mois de relative accalmie, les revendications des touaregs du MNLA refont surface dans le nord du Mali. Depuis plusieurs jours, les combats font rage entre l’armée malienne et les rebelles touaregs dans cette partie du pays, où la force française Serval est toujours engagée. Le Mouvement national de libération de l’Azawad, le MNLA, affirme avoir pris le contrôle de deux villes : Kidal et Menaka. Pour tenter de calmer le jeu, le président de l'Union africaine, le Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, s'eest rendu vendredi à Kidal pour arracher un cessez-le-feu.

Qui a mis le feu aux poudres ? Agacé de n’avoir pas le contrôle sur l’intégralité de son territoire, le Premier ministre malien, Moussa Mara, s’était rendu à Kidal le 17 mai pour montrer ses muscles. Et pourtant, Moussa Mara était bien au courant de l'agacement de la population locale à le voir débarquer à Kidal. Car jusque-là, une relative paix régnait dans le nord du pays. "Nous étions dans une situation où tout le monde attendait les négociations", analyse pour Europe 1 Pierre Boilley, directeur de l’Institut des mondes africains. Depuis sept mois, le gouvernement, des représentants de la société civile et les séparatistes du Nord, y compris le MNLA, doivent discuter d'une sortie de crise politique.

Mali IBK Keita

© Reuters

Mais depuis l’élection d’Ibrahim Boubacar Keïta, les Maliens de Bamako, dans le sud du pays, rechignent à ce que son gouvernement se mette à la même table que les touaregs, considérés comme des terroristes. Pourtant, rappelle le spécialiste de l’Afrique subsaharienne, le MNLA a fait de nombreuses concessions et a plusieurs fois poussé pour que se tiennent ces discussions.

Serval n’intervient pas. Alors, lorsque l’armée malienne lance l’assaut sur Kidal dimanche, le MNLA demande à la force de l’ONU, la Minusma, et aux soldats de l’opération Serval d’intervenir pour s’interposer. Impossible. "Il était difficile pour les Français d’intervenir. Imaginez si un soldat malien venait à tirer sur un Français, ou inversement", envisage Pierre Boilley.

Au total, une vingtaine de soldats maliens sont morts sous le feu des combattants touaregs, qui ont largement pris le dessus vendredi. Mais ni le pouvoir central ni le MNLA ne se réjouissent de ce conflit. "Nous n’avons aucun enthousiasme par rapport à cette victoire (celle de Kidal) car nous n’avons pas voulu ces affrontements". Le porte-parole du MNLA, Mossa Ag Attaher explique l’objectif "n’est pas de gagner cette bataille, mais la paix et le développement pour le peuple de l’Azawad".

Un sursaut pour les négociations ? Au final, Pierre Boilley espère que ce regain de tensions pourra relancer les négociations au point mort, grâce à l’intervention de la France qui a demandé à ce que les discussions reprennent. Le risque étant que les islamistes profitent de cette déstabilisation pour revenir en force. Mais "Serval est extrêmement vigilante sur le problème islamiste", affirme le chercheur, qui poursuit : "les Français sont là pour combattre les salafistes, pas pour régler les problèmes intérieurs du Mali". Et donc pas pour s’interposer entre les séparatistes (loin d’être islamistes) et le pouvoir central.

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