Comment Charlottesville plombe un peu plus la présidence Trump

Donald Trump a ravivé le feu des critiques après ses propos tenus mardi.
Donald Trump a ravivé le feu des critiques après ses propos tenus mardi. © Drew Angerer / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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M.B. , modifié à
Le président américain, qui a d'abord mis (très) longtemps à réagir, avant de renvoyer dos à dos néonazis et antiracistes, est lâché de toute part.

Son équipe a bien tenté de rectifier le tir, en vain. La gestion du drame de Charlottesville par Donald Trump continue d'être sous un feu nourri de critiques, qui viennent même de son propre camp. Depuis le rassemblement de suprémacistes blancs qui a fait un mort dans la ville de Virginie, samedi, le président américain, dont le comportement dans le dossier nord-coréen a déjà fait polémique, n'en finit plus de susciter l'indignation. Petite chronologie.

Réaction tardive. Donald Trump a d'abord été critiqué parce qu'il a mis très longtemps à réagir. Le jour même des graves incidents à Charlottesville, le président, qui se trouvait alors en vacances dans son club de golf de Bedminster, dans le New Jersey, avait attendu plusieurs heures pour donner une première déclaration. Dans celle-ci, il avait condamné la "haine et l'intolérance" venue "de diverses parties", sans viser spécifiquement les suprémacistes et ce, alors que la mort d'une jeune femme de 32 ans, tuée après qu'une voiture a volontairement foncé dans la foule des contre-manifestants antiracistes, venait d'être confirmée.

Lâché par les républicains. Son propre camp s'était alors désolidarisé. "Monsieur le président, il faut nommer le mal", avait tweeté le sénateur Républicain Cory Gardner. "C'étaient des suprémacistes blancs, c'était du terrorisme intérieur." C'est là que la Maison-Blanche avait tenté de reprendre la main, d'abord par l'intermédiaire d'un porte-parole. "Le président a dit avec force [samedi] qu'il condamnait toutes les formes de violence, de sectarisme et de haine. Cela inclut, bien sûr, les suprémacistes blancs, le Ku Klux Klan, les néonazis et tous les groupes extrémistes", avait insisté ce porte-parole.

Téléprompteur. Puis, lundi, le président lui-même avait donné une nouvelle allocution, cette fois devant la Maison-Blanche. "Le racisme, c'est le mal", avait-il martelé, lisant un téléprompteur. "Ceux qui ont recours à la violence en son nom sont des criminels et des voyous, y compris le KKK, les néonazis et les suprémacistes blancs, qui sont à l'opposé de tout ce qui nous est cher en tant qu'Américains." Il avait cependant alors refusé de répondre aux questions des journalistes.

Huile sur le feu. Mais 24 heures plus tard, le président est revenu sur ses propos. Mardi, dans une nouvelle allocution, cette fois en bas de la Trump Tower, le président américain a remis de l'huile sur le feu en répétant qu'à Charlottesville, "il y a eu des torts des deux côtés". "J'ai regardé de très près, de beaucoup plus près que la plupart des gens. Vous aviez un groupe d'un côté qui était agressif. Et vous aviez un groupe de l'autre côté qui était aussi très violent", a-t-il expliqué. "Personne ne veut le dire. Que dire de l''alt-left' qui a attaqué l''alt-right' ["alt-left, pour "extrême gauche", dans un terme reprenant la désignation de "l'alt-right", pour "extrême droite"] comme vous dites ? N'ont-ils pas une part de responsabilité ?"

Nouvelles critiques. Les réactions politiques n'ont pas tardé à pleuvoir. "Donald Trump, vous faites honte à votre pays et aux millions d'Américains qui ont combattu et sont morts pour vaincre le nazisme", a tweeté, ulcéré, le sénateur Bernie Sanders. "La violence à Charlottesville a été alimentée par un seul côté : des suprémacistes blancs répandant le racisme, l'intolérance et l'intimidation. Voilà les faits", a renchéri le démocrate Tim Kaine.

Les Républicains, eux aussi, ont à nouveau fustigé les déclarations de Donald Trump. "Nous devons être clair", a déclaré Paul Ryan, président de la Chambre des représentants. "La suprématie blanche est répugnante. Cette intolérance va à l'encontre de toutes les valeurs de ce pays. Il ne peut pas y avoir d'ambigüité morale."

Politiquement, cette séquence pourrait avoir des conséquences très concrètes pour le chef de l'État américain. Selon le journaliste Josh Kraushaar, les caciques républicains estiment désormais que la rupture entre le parti et le président est "inévitable". 

Fuite des cerveaux. Les politiques n'ont pas été les seuls à s'indigner. Du côté des industriels également, les mots du président ne sont pas passés. Kenneth Frazier, PDG des laboratoires pharmaceutiques Merck, a quitté ses fonctions au sein du Manufacturing Council, qui prodigue des conseils économiques à l'administration Trump. Il a été suivi, mardi, par Richard Trumka, leader de l'AFL-CIO, la principale centrale syndicale des États-Unis.

Pour David Chalian, directeur de l'information politique à CNN, la gestion de Charlottesville va marquer "un tournant dans la présidence de Trump". "Le président a tracé un équivalent entre le nazisme et d'autres choses. Il a délibérément choisi de ne pas le dénoncer. Cela signifie que nous passons dans une autre dimension. C'est un chef d'État qui a dramatiquement perdu le contact avec le peuple."