Cette autre Turquie qui ne manifeste pas

Les temples de la consommation ont fleuri à Istanbul.
Les temples de la consommation ont fleuri à Istanbul. © Reuters
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Charles Carrasco avec Walid Berrissoul, envoyé spécial en Turquie , modifié à
REPORTAGE - Elle est religieuse et consumériste et elle continue de supporter le gouvernement.  

L'INFO. Au sixième jour de manifestations, la mobilisation ne faiblit pas. Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue mercredi à l'appel de deux syndicats qui réclament depuis près d'une semaine la démission du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan. Mais le gouvernement islamo-conservateur de l'AKP (le parti pour la justice et le développement) garde néanmoins des supporters parmi une classe moyenne qui a profité du redressement économique et pour laquelle, l'ère de la consommation fait passer la dureté du régime.

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La jeunesse qui consomme... Cette autre jeunesse, on la retrouve dans l'un de ces temples de la consommation à l'occidentale qui ont poussé par centaines pendant l'ère Erdogan. Recep, Bilal et Fakir ont tous les trois 17 ans et portent des baskets à la mode aux pieds. Ils ne comprennent pas ce que veulent les manifestants. "Celui qui a fait décoller notre économie, c'est Erdogan et ça, ils ne le comprennent pas. Ils veulent essayer de faire le Printemps arabe en Turquie mais ça ne marchera pas", assure d'emblée l'un de ces jeunes Turcs. "Je suis sûr que s'ils construisent un nouveau centre commercial, place Taksim, même les manifestants finiront par y aller", affirme un autre sur le ton de la boutade.

Erdogan a "fait décoller notre économie"par Europe1fr

… et une classe moyenne propriétaire. A quelques rues de là, dans le quartier Fatih d'Istanbul, bastion du parti islamiste et conservateur au pouvoir, les mères de famille, toutes voilées, guettent les bonnes affaires. Pour l'un d'elles, les années Erdogan ont changé son quotidien, jusque dans sa cuisine. "Avant je faisait tout à la main. Maintenant, j'ai la machine à laver, le micro-ondes. On est même propriétaire de notre maison. Tout ça, on a pu se l'offrir avec ce gouvernement. Il y a plus de pain, plus de travail",  martèle cette femme qui défend le Premier ministre. Et au-dessus d'elle, une affiche publicitaire géante d'une "top-model" coiffée d'un voile rose. C'est le décor de cette autre Turquie, religieuse et consumériste, à seulement quelques pâtés de maison de la révolte anti-Erdogan.

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