Pakistan : pourquoi les talibans ont attaqué une école

© Reuters
  • Copié
, modifié à
Le TTP a revendiqué le pire attentat de l’histoire du Pakistan. Le groupe taliban pourrait par là essayer de regagner une puissance perdue. 

Ce mardi 16 décembre restera dans la mémoire du Pakistan comme l’attentat le plus meurtrier de son histoire. 141 personnes sont mortes sous les bombes et les balles de taliban, dans une école de Peshawar dans le Nord-Ouest. La plupart des victimes sont des enfants de militaires pakistanais qui étudiaient quand six assaillants sont entrés dans les lieux.

>> LIRE AUSSI - "J'ai mis ma cravate dans ma bouche pour ne pas crier"

Rapidement, le TTP (Tehrik-e-Taliban Pakistan, ce qui signifie le mouvement des talibans du Pakistan) revendique le carnage de Peshawar. Sous ce nom se regroupent de nombreux petits groupes islamistes, dont l’un avait en 2012 attaqué la jeune Malala devenue prix Nobel de la paix deux ans plus tard. Leur coalition relève davantage de la convergence d’intérêts que d’une organisation structurée.

Pour garder leur mainmise sur la région du Nord Waziristan, au nord du Pakistan, ils perpètrent régulièrement des attaques terroristes contre un Etat qu’ils accusent d’être à la botte des Etats-Unis. Selon l’Index mondial du terrorisme, le Pakistan est le 3e pays au monde le plus touché par les attaques terroristes. En 2013, 2.345 personnes ont été tuées, et plus de 5.000 autres blessées.

Enervés par l’armée pakistanaise. Avec le bain de sang de Peshawar, le TTP aurait pu vouloir montrer que malgré les sérieux revers subis ces derniers mois, il est toujours à même de terroriser le pays et de se venger. Le meurtre de ces 141 personnes est une "réponse à l’offensive Zarb-e-Azb, à la vague d’assassinats perpétrée contre les talibans et au harcèlement de leurs proches", a annoncé le TTP. En effet, l’armée a lancé une grande offensive après l'attaque de l'aéroport de Karachi au mois de juin. Entre 25.000 et 30.000 soldats sont impliqués dans l'opération Zarb-e-Azb, sans précédent pour un gouvernement toujours réticent à s’impliquer dans les régions tribales.

>> LIRE AUSSI - Pourquoi les talibans s'en sont pris à l'aéroport de Karachi

En six mois, selon un général pakistanais, près de 2.000 terroristes (pas uniquement des membres du TTP) ont été tués, selon un média pakistanais. Un véritable revers pour les talibans, qui ont voulu rendre la monnaie de sa pièce aux militaires. "Nous avons mené cette attaque après une enquête qui a indiqué que les enfants de plusieurs haut responsables de l'armée étudient dans cette école", a expliqué Muhammad Khurasani, un porte-parole du TTP.

Pakistan TTP bandeau

© Reuters

Un "mollah Radio" controversé. Si les assauts successifs de l’armée pakistanaise ont sérieusement ébranlé le TTP, la mort de son chef suprême l’a également sérieusement affaibli. Hakimullah Mehsud a été tué par un drone américain en novembre 2013. Le mollah Fazlullah, appelé "mollah Radio" en raison de ses prêches diffusés par des radios locales, a pris sa suite, pour réunifier les différentes factions talibanes qui ne sont pas toujours d’accord sur la marche à suivre. Depuis son arrivée à la tête du TTP, l’homme a du mal à imposer son autorité.

L’émergence d’un groupe concurrent a fait vaciller encore un peu plus les talibans pakistanais. Quand l’organisation de l’Etat islamique est apparue sur le devant de la scène, Fazlullah a insisté pour continuer soutenir le mollah Omar, "l’émir des croyants" dit-il, face à Abou Baker Al-Baghdadi, le chef des djihadistes de Syrie et d’Irak. Mais de quelques chefs talibans n’ont pas suivi sa ligne. Certains ont fait défection du mollah afghan historique pour prêter allégeance à la nouvelle forte tête de la planète terroriste. Le 22 octobre, le TTP a annoncé le limogeage de son influent porte-parole Shadidullah Shahid, qui avait suivi cette voix.

Ces difficultés ont pu pousser certaines factions talibanes à frapper fort pour gagner de la puissance au sein de l’organisation et en-dehors. Nul doute que la mort de 141 personnes va longuement marquer les esprits.

>> LIRE AUSSI - L'Etat islamique, l'organisation aux mille noms