Ce que la marée noire menace

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Une marée noire s'approche des Etats-Unis, après la fuite d’un puits à 1.500 mètres de profondeur.

D’où vient cette marée noire ? Cette pollution est née de l'incendie et de l'explosion d'une plate-forme pétrolière la semaine dernière. Onze ouvriers sont portés disparus et présumés morts depuis la catastrophe. Le volume de pétrole qui s'échappe du sous-sol est désormais estimé à 5.000 barils quotidiens, contre 1.000 auparavant. "C’est une quantité considérable", souligne Christian Buchet, directeur du centre de la mer de l’institut catholique de Paris. "Mais le plus inquiétant n’est pas tant la quantité que le fait que la source n’est toujours pas tari", ajoute le spécialiste.

La fuite est-elle colmatée ? Non et c’est tout le problème de cette marée noire. "La fuite est à 1.500 mètres de profondeur, soit cinq tour Eiffel empilées. Vous imaginez le travail que cela représente pour colmater le trou", explique Christian Buchet. La nappe recouvre plus de 74.000 km2, soit la superficie combinée des régions françaises Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur.

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La nappe est-elle maîtrisée ? Des opérations d’endiguement ont été mises en place. Des barrages flottants ont été déployés sur 20 milles nautiques au large de la côte de Louisiane pour tenter de contenir le pétrole. Mais, selon le gouverneur, c'est insuffisant et il faudrait en déployer encore plus. Les barrages flottants ne sont pas toujours très efficaces car le pétrole se mélange avec l’eau et il devient ensuite impossible de le pomper. Les secours ont entrepris de lancer des "incendies contrôlés" de petites nappes prélevées au moyen de barrage flottants ignifugés.

"Des incendies contrôlés"

Brûler le pétrole peut-il être dangereux pour l’environnement ? La mise à feu de la nappe de brut risque de projeter dans l'atmosphère d'immenses bouffées d'une épaisse fumée noire et de libérer dans la mer des déchets visqueux. "C’est une erreur monumentale", explique Benoît Hartmann, responsable mer et littoral pour France, nature, environnement (FNE), "car une partie du pétrole n’est pas combustible. Donc une fois que la partie combustible sera brûlée, il restera toute une partie qui coulera et ira polluer le fond de l’océan", explique-t-il. Autre problème posé par cette technique : le risque de retombées de particules. "Une partie du pétrole qui aura brulé va retomber en petites particules éparses", prévient Christian Buchet. La zone polluée pourrait donc s’agrandir.

Y-a-t-il d’autres solutions ? Le groupe pétrolier BP, qui est propriétaire du puits et donc responsable financièrement du nettoyage, envisage également de forer des conduits de secours destinés à injecter un enduit spécial pour boucher définitivement le puits, mais cela pourrait prendre deux à trois mois.

Une réserve naturelle menacée

La marée noire menace-t-elle les côtes ? Le bord de la nappe se trouvait à 37 km de la côte de la Louisiane mercredi soir. De fragiles estuaires et marais abritant une riche faune sauvage, qui pourraient être touchés ce week-end. Dès vendredi, des boulettes de mazout et des flaques d'huile pourraient atteindre le delta du Mississippi, a prévenu Charlie Henry, des services météorologiques et océaniques américains (NOAA). Les Etats menacés ont annoncé que des préparatifs sont en cours pour déployer au large des barrières flottantes qui protègeraient les côtes. "La situation est très préoccupante car une nappe en pleine mer et moins pire qu’une nappe qui atteint les côtes", explique Christian Bucher, "c’est à proximité du littoral que les poissons se reproduisent. Cette marée noire va donc toucher la pouponnière de l’océan. C’est un désastre", analyse le spécialiste de la mer.

Qui paye, qui trinque ?

Quelles sont les conséquences économiques ? En plus des dégâts sur la faune, une marée noire serait catastrophique pour les nombreux pêcheurs et ostréiculteurs de la région. "Le secteur du tourisme va également être touché", prévient Christian Buchet. Mais depuis quelques années, un fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) permet de verser des aides aux secteurs d’activités touchés par ces catastrophes. "Mais ce fonds est totalement insuffisant", assure Benoît Hartmann de FNE, "il n’y a pas assez pour rembourser tout le monde". Par ailleurs, des éleveurs de crevettes de Louisiane dont les côtes sont menacées par la marée noire ont déposé plainte pour obtenir 5 millions de dollars de dommages. La plainte a été déposée mercredi soir pour "négligence" et "pollution".

D’autres catastrophes comme celles-ci sont elles à prévoir ? Malheureusement oui. Cette catastrophe au large des Etats-Unis illustre la tendance actuelle à développer les exploitations off-shore profondes, c’est-à-dire à plus de 300 mètres de fond. "Aujourd’hui nous sommes à 6% d’exploitations de ce type dans le monde. Dans quelques années, elles représenteront 16% des exploitations mondiales", explique Christian Buchet, "il va donc falloir être très prudent face à ces risques d’accident", ajoute le spécialiste, précisant que la prévention reste le meilleur outil pour éviter de telles marées noires.