La Palestine membre de la CPI, ça change quoi ?

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La Palestine est officiellement membre de la Cour pénale internationale, ouvrant la voie à un éventuel procès des crimes de guerres israéliens et palestiniens.

La Cour pénale internationale a depuis mercredi un nouveau membre. La Palestine est officiellement devenue le 123e pays à reconnaître cette juridiction internationale. Lors d’une cérémonie au siège du tribunal à La Haye aux Pays-Bas, Ryad al-Malki, ministre palestinien des Affaires étrangères, a reçu une copie symbolique du Statut de Rome qui définit le fonctionnement de la justice internationale. Europe 1 vous explique les enjeux de cette adhésion.

La Haye Palestine

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Des poursuites possibles contre des dirigeants israéliens et palestiniens …

Cette juridiction internationale a pour vocation de poursuivre les auteurs de génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Jusque-là, les procureurs ne pouvaient pas enquêter sur le conflit israélo-palestinien puisque ni Israël ni la Palestine n’étaient membres. Avec l'adhésion de la Palestine, les dirigeants israéliens et palestiniens peuvent désormais être poursuivis (et condamnés) par La Haye. Pourtant, le Premier ministre israélien estime que la Palestine n’aurait pas dû avoir le droit d’intégrer la CPI, puisqu’elle n’est pas reconnue comme un Etat.

Pour autant, la CPI ne s’estime compétente que si la justice du pays est "réticente" ou "incapable" d’exercer correctement. Or, "le système judiciaire israélien jouit d’une solide réputation internationale", estime le site spécialisé Orient XXI. Des soldats israéliens ont d'ailleurs déjà été condamnés par la justice martiale de leur pays, notamment pour avoir utilisé des boucliers humains, rappelle Human Rights Watch qui se désole du peu d'envergure de la sentence. Il est donc envisageable que La Haye ne se saisisse pas des dossiers soumis par Ramallah.

… mais pas avant très longtemps

Concrètement, l'Autorité palestinienne peut désormais porter plainte et soumettre des dossiers spécifiques aux procureurs de la CPI, comme la construction de logements israéliens sur son territoire. Ramallah a d’ailleurs déjà envoyé des documents autorisant le procureur à se pencher sur des crimes présumés commis dans les Territoires palestiniens depuis juin 2014, mais aucune enquête n’a encore été ouverte.

Pour autant, un procès du conflit israélo-palestinien à La Haye n’aurait pas lieu avant de longues années. Le chemin est très long et c’est au procureur seul de décider d’ouvrir une enquête. Pour l’heure, la magistrate Fatou Bensouda n’en est qu’au stade de l’examen de la requête. La toute première condamnation de la CPI est intervenue 10 ans après l’entrée en vigueur du Statut de Rome.

De plus, rappelle Orient XXI, le Conseil de sécurité de l’ONU (auquel appartiennent les Etats-Unis, alliés indéfectibles d’Israël) peut repousser pendant deux ans l’ouverture d’une enquête.

Gaza Palestine AFP

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Ramallah met la pression sur Israël

"La Palestine recherche la justice, pas la vengeance", a assuré le ministre palestinien des Affaires étrangères lors de la cérémonie de mercredi. L’adhésion, annoncée après la guerre de Gaza à l’été 2014, n’avait pas manqué de froisser Israël. Benjamin Netanyahou, Premier ministre israélien, avait d’ailleurs accusé la Palestine de "manipuler" la Cour pénale internationale en déposant une requête considérée comme "scandaleuse".

Peu avant les élections législatives qui l’ont conforté au pouvoir, le Premier ministre israélien avait coupé les vivres à la Palestine en représailles, cessant de lui reverser 100 millions d’euros de taxe. Depuis, Netanyahou  a accepté de débloquer les sommes dues à l’Autorité palestinienne. De son côté, la justice israélienne s’intéresse toujours à un certain nombre de bavures commises par Tsahal, l'armée nationale, pendant la guerre de 2014.

Les ONG, elles, espèrent que cette nouvelle compétence de la CPI permettra une résolution du conflit israélo-palestinien. Amnesty international aimerait que cela "permette de rompre le cycle infernal de l'impunité, responsable de la succession de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité perpétrés par les deux parties".

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