Avoir 20 ans aujourd'hui en Europe

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avec Fabien Cazeaux, Henry de Laguérie, Amandine Alexandre et Hélène Kohl , modifié à
PORTRAITS - Europe 1 est allé à la rencontre de jeunes européens, de Londres à Barcelone.

Le scénario d’une contagion de la crise grecque aux autres pays européens est plus que jamais redouté. Et les jeunes s'inquiètent pour leur avenir. Europe 1 a fait le tour de l'Europe, à la rencontre de jeunes de 20 ans. Portraits.

EN FRANCE

Linda, 20 ans, étudiante en 1ère année d'information/communication

Linda étudiante 20 ans 930620

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Linda n'envisage son avenir que dans la Fonction publique. Quand elle sort de cours, elle ne jette qu'un œil distrait aux offres de stages affichées dans les couloirs de son université. Elle les parcourent rapidement mais aucune ne l'intéresse vraiment. "Les offres de stage, j’y crois pas tellement. En général, c’est par piston parce qu’on connaît la personne. C’est assez rare de trouver tout de suite", explique-t-elle.

Comme un tiers des jeunes de son âge, Linda veut être fonctionnaire. Pour elle, la sécurité de l'emploi est une priorité absolue. Et tant pis si ça manque un peu d'ambition : "Je suis encore jeune, c’est vrai. Mais j’ai quand même envie de construire quelques chose, de fonder une famille plus tard, d’avoir une stabilité financière, d'être indépendante et de faire ce que je veux. Pas galérer et courir après un boulot", justifie la jeune femme. "Quand on voit que maintenant, après un bac + 5, on n’est pas sûr de trouver un boulot ou qu'il faut attendre dix mois pour trouver quelque chose, passer un concours pour être fonctionnaire, je pense que c’est l’idéal". Linda vise la haute fonction publique. Son rêve : décrocher un poste dans un cabinet ministériel.

EN ESPAGNE

Isabelle, 22 ans, étudiante en kinésithérapie

Isabelle étudiante Barcelone

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Isabelle fait très attention à son budget. Elle est devenue une spécialiste du système D. Cette grande brune n’achète plus de jean ou de robe à 50 euros mais elle va dans des friperies, là où un pantalon vaut 10 euros en moyenne. Elle a remplacé sa carte de transport par un vélo. Elle économise ainsi 38 euros par mois. Passionnée de musique et de danse, elle ne va plus en boîte de nuit mais à des concerts gratuits. Heureusement, elle ne paye pas de loyers. Comme deux tiers des moins de 30 ans, elle vit chez ses parents, qui sont tous les deux à retraite.

"C’est difficile de se loger à Barcelone. C’est cher. Si tu veux sortir de chez tes parents c’est impossible", résume Isabelle. En ce moment, elle n’a pas le temps de voir ses amis ni même de participer aux manifestations des jeunes Indignés. Le matin, elle travaille en stage à l’hôpital. L’après-midi, elle révise. Diplômée en kinésithérapie, elle prépare un concours pour aller travailler à Londres. L’Angleterre ne la fait pas vraiment rêver mais elle sait que son avenir immédiat n’est plus en Espagne. "C’est vraiment difficile parce que dans la santé publique, il n’y a plus d’argent. Ils sont en train de couper les budgets. Je me sens un peu obligée d’aller chercher du boulot ailleurs". Et avant cela, Isabelle va travailler à plein temps dans un bar de plage. Elle touchera 640 euros net, le montant du SMIC en Espagne.

EN GRANDE-BRETAGNE

Bethany, étudiante en licence

Photo de Bethyna 930x620

© Europe1

Assise sur un banc à Soho, Bethany se souvient que tout juste le bac en poche, en 2007, elle avait trouvé un stage dans une société de production de cinéma, à deux pas de là. Un stage payé 1.000 euros par mois. A l’époque, ça n’avait rien d’extraordinaire. Aujourd’hui, les entreprises ne dédommagent plus les stages. Tout l'été, Bethany va quand même enchaîner les expériences professionnelles. Sans se faire d’illusions sur ses chances de trouver un emploi une fois diplômée. Les temps ont beaucoup changé.

"Avant la crise, on allait à l'université, on était diplômés, on avait du travail, on se mariait, on achetait une maison. On avait des bébés. Mais maintenant, on ne peut plus prendre ça pour acquis", déplore cette étudiante. Et même si elle trouve du travail, Bethany ne s'attend pas à avoir beaucoup de revenus. Elle devra rembourser les 30.000 euros empruntés pour payer ses études. Cette Londonienne se considère quand même chanceuse comparée à ceux qui entreront à l’université en 2012. A cause de la réforme des droits d'inscription, leurs études leur coûteront trois fois plus chères.

EN ALLEMAGNE

Bülent, formation d'électrotechnicien

Bülent est arrivé petit garçon à Berlin. Toute sa famille habite ici. Tous ses copains aussi. Mais dans trois mois, il les quittera pour prendre la route d'Antalya en Turquie, chez sa fiancée. Les conditions du rapprochement familial ont été durcies dernièrement. Pour la faire venir en Allemagne, il aurait fallu qu’il gagne 2.000 euros par mois. "Un job comme ça, je peux rêver. Depuis sept ans, j’ai envoyé tellement de CV. Et pas une fois, je n’ai été convoqué pour un entretien. Pas une fois", s’agace-t-il.

L’électrotechnicien formé aux méthodes de l’industrie allemande se retrouve donc à charrier des caisses de légumes chez un épicier de quartier. Alors vu d’ici, avec ces 8% de croissance par an, la Turquie de Erdogan semble être un Eldorado. "A Antalya, dans les magasins, dans les hôtels, j’ai vu partout des affiches disant qu’on cherche des germanophones. Moi, avec mon allemand, je peux essayer de trouver quelque chose. Si ça ne marche pas, je peux toujours rentrer en Allemagne car je le sais bien : l’Allemagne est reconnaissante à l’égard des Turcs. Et nous aussi, on est reconnaissant à l’égard de l’Allemagne", assure-t-il. Bülent confirme qu’autour de lui, beaucoup de ses copains réfléchissent à un retour au pays. D’autant plus que pour ces jeunes à la double culture, l’aventure est à peine risquée.