Allemagne de l'Est : 50.000 cobayes involontaires

Des milliers de patients est-allemands auraient subi des tests de médicaments pour des groupes pharmaceutiques de l'Ouest.
Des milliers de patients est-allemands auraient subi des tests de médicaments pour des groupes pharmaceutiques de l'Ouest. © REUTERS
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avec AFP , modifié à
Plus de 50.000 Allemands de l’Est auraient subi des tests de médicaments, souvent sans le savoir.

L’info. Ils sont bien plus nombreux que ce que l’on pensait. Plus de 50.000 citoyens de l’ex-Allemagne de l’Est ont servi de cobayes pour des groupes pharmaceutiques de l’Ouest, souvent à leur insu. Certains y ont même laissé la vie, a révélé l’hebdomadaire Der Spiegel, qui a consulté des documents du ministère est-allemand de la Santé et de l’Institut allemand des médicaments.

600 études dans 50 cliniques. De précédentes révélations de la télévision publique régionale allemande MDR faisaient état en 2010 de 2.000 patients est-allemands sur lesquels un antidépresseur avait été testé. Mais au total, les faits concernent plus de 600 études, menées dans 50 cliniques, jusqu’à la chute du Mur de Berlin, en 1989. Parmi les hôpitaux concernés, celui de La Charité, à Berlin-Est, précise Le Monde. Et les tests portaient sur divers traitements, notamment sur des chimiothérapies et des traitements pour le cœur, indique de son côté la Deutsche Welle. Chaque étude aurait été payée 800.000 Marks, soit environ 400.000 euros.

 

Des patients morts pendant les essais. Bien souvent, les patients ne connaissaient pas les risques encourus, ni les effets secondaires des produits ingérés. Les essais ont parfois mal tourné. Deux patients sont ainsi morts à Berlin-Est pendant les tests du Trental, un médicament pour la circulation sanguine du groupe ouest-allemand Hoechst, depuis fusionné avec Sanofi. Près de Magdebourg, deux morts ont en outre été recensés pendant les essais d’un médicament contre la tension pour le groupe Sandoz, racheté depuis par le Suisse Novartis.

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De l’EPO pour des prématurés. Certains patients n’étaient pas en état de donner leur accord pour de tels essais. C’est le cas notamment de trente grands prématurés, sur lesquels un groupe ouest-allemand a testé de l’EPO, cette hormone connue pour être utilisée comme produit dopant par certains sportifs. Un médicament destiné à améliorer la circulation sanguine cérébrale, le Nimodipin, du laboratoire Bayer, a aussi été testé sur des alcooliques en plein délirium tremens.

Les laboratoires se défendent. Les groupes concernés ont assuré à Der Spiegel que les faits remontaient à des années et qu’en principe, les tests de médicaments obéissent à des protocoles très stricts. La fédération de chercheurs des industries pharmaceutiques ne voit de son côté "pour le moment aucune raison de suspecter que quoi que ce soit ait été irrégulier". Mais l’enquête de Der Spiegel a déjà eu un certain retentissement dans la classe politique allemande. Christoph Bergner, haut responsable de la CDU d’Angela Merkel, a notamment exprimé son indignation et réclamé une "enquête indépendante", estimant que si des milliers de citoyens de RDA avaient bien été "utilisé comme de vulgaires cochons d’Inde", cela constituerait un "scandale massif".