Alassane Ouattara, le banni devenu messie

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Fabienne Cosnay , modifié à
PORTRAIT - Le président ivoirien va devoir réconcilier un pays divisé et meurtri.

"Réconciliation", "retour à l'ordre et au calme", "espérance", les premiers mots d'Alassane Ouattara après l'arrestation du président sortant Laurent Gbagbo, ont exprimé sa volonté "de tourner une page". Ce technocrate policé a dû recourir aux armes pour arracher à son rival le pouvoir que ce dernier ne voulait pas lâcher, héritant ainsi d'un pays profondément divisé.

15 ans d'attente

Auparavant, 15 ans d'attente et de polémiques avaient fait d'Alassane Ouattara, originaire du nord majoritairement musulman, le symbole de la crise identitaire qui déchire le pays. Portrait d’un banni devenu messie dans son pays.

Alassane Ouattara est né le 1er janvier 1942 à Dimbokro, en Côte d’Ivoire. Après sa majorité, il décroche une bourse américaine et part étudier l’économie aux Etats-Unis. Diplômé de l'université de Pennsylvanie, Alassane Ouattara commence sa carrière professionnelle au Fonds Monétaire International. En 1988, le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny le choisit pour prendre la tête de la Banque Centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO). Deux ans plus tard, le "père de la Nation" le veut à ses côtés et le nomme Premier ministre.

A la mort du président Houphouët-Boigny, Alassane Ouattara est accusé d’avoir voulu tenter un coup d’Etat. Ce qu’il a toujours contesté. "Jamais je n’ai voulu prendre sa succession. Cela ne correspondait pas du tout à mes principes moraux et politiques", avait-il assuré dans une interview au magazine Jeune Afrique.

Sa nationalité contestée

Jugeant le scrutin non transparent, Alassane Ouattara renonce à se présenter à la présidentielle de 1995 face à Henri Konan Bédié. Mais redoutant ses ambitions, le camp Bédié développe le concept d'"ivoirité" pour lui barrer la route et insiste sur ses supposées origines burkinabé. Alassane Ouatarra retourne au FMI, en qualité de directeur adjoint.

Retour au pays en 2000. Cette fois, Alassane Ouattara est bien décidé à se lancer dans la présidentielle mais la Commission électorale invalide sa candidature pour "nationalité douteuse". Après une nouvelle tentative de coup d’Etat dans le pays, Alassane Ouattarra, accusé d’en être à l’origine, décide de quitter le pays et trouve exil en France. En 2006, l’ancien haut-fonctionnaire retourne en Côte d'Ivoire, dans l’espoir de participer à de nouvelles élections, finalement fixées à novembre 2010.

Grâce à son alliance avec son ennemi d'hier Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara est déclaré vainqueur du scrutin, mais le pays plonge dans une crise sanglante qui réveille le clivage nord-sud. Le 7 avril, dans une adresse à la nation, il a assuré que "la Côte d'Ivoire est une et indivisible" et promis d'être le président "de tous les Ivoiriens".