Afghanistan : Obama déçoit son camp

© REUTERS
  • Copié
Aurélie Frex , modifié à
L’annonce du retrait progressif d’Afghanistan, véritable pari politique, a déçu les leaders démocrates.

En annonçant mercredi le retrait de 33.0000 soldats américains d’Afghanistan d’ici la fin de l’été 2012, Barack Obama comptait bien satisfaire ses amis démocrates, qui le pressaient depuis longtemps en ce sens. Pourtant, les élus du camp Obama sont majoritairement déçus, car ils auraient souhaité un retrait plus ambitieux. Un sentiment dont ils ont vite fait part à la presse américaine.

Selon les plans de Barak Obama, 10.000 hommes partiront avant la fin 2011, et 23.000 autres l’an prochain. 68.000 soldats continueront donc à se battre sur le terrain, un processus jugé pas assez significatif. "La décision du président est une initiative positive, même si de mon point de vue, la situation sur le terrain exige un retrait beaucoup plus important dès cette année", estime ainsi Carl Levin, sénateur démocrate du Michigan. "Je continuerai donc à militer pour une accélération du retrait, et pour une meilleure coordination avec l’armée afghane, car elle est la seule à pouvoir assurer la sécurité de son pays", a-t-il confié à plusieurs journalistes à l’issue du discours présidentiel.

Discours "inacceptable"

Autre leader démocrate particulièrement déçue par les annonces de Barack Obama, l'ancienne présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi. "Nous avions espéré un retrait définitif beaucoup plus rapide", a-t-elle ainsi affirmé à CBS News. Comme d’autres élus, elle note qu'à l'issue du processus, les Etats-Unis auront toujours deux fois plus d’hommes en Afghanistan qu’au tout début de l’intervention, soit avant le renfort des troupes en 2009. Cette décision avait été prise par Obama, provoquant la colère de nombreux démocrates, dont, déjà, Nancy Pelosi.

Le président semble avoir perdu définitivement son image de visionnaire. "Il maintient la même mission que celle qu’il avait il y a un an, la même qui a coûté incroyablement cher et tué des dizaines de milliers de soldats", a critiqué le représentant démocrate de Californie John Garamendi, interrogé par le Huffington Post. Alors qu’une autre représentante de Californie, Barbara Lee, parle même d’un discours "inacceptable".

L’argent, nerf de la guerre

En plus d’une critique de la stratégie afghane de Barack Obama, le camp démocrate fustige le coût de l’opération. Et c’est par l'argent que le propre camp de Barack Obama pourrait le pousser à aller plus loin dans sa politique. "En tant que membre de la Commission d’affectation, je travaillerai pour faire passer l’amendement exigeant la fin du financement des opérations de combat en Afghanistan, afin de commencer le retrait en sécurité des troupes", a affirmé Barbara Lee, membre démocrate du Congrès. "Il est loin de la réduction que le peuple américain attendait", a-t-elle posté sur son blog.

La politique menée par Obama s'est tendue ces dernières années, sur fond de hausse du chômage et de déficit budgétaire abyssal. Le budget de 10 milliards de dollars par mois consacré à l’intervention en Afghanistan est donc devenu un point de désaccord avec son camp, d’autant que 56% des Américains veulent un retrait total du pays.

Obama entre deux eaux

Pour Barack Obama, cette annonce en grande pompe, lors d’un discours solennel de 13 minutes, n’aura donc pas suffit à satisfaire son camp. Une bien mauvaise nouvelle dans la perspective de l’élection de 2012, alors que le président souhaitait sans doute gagner du temps, et éviter que l'Afghanistan ne s'invite dans les débats pendant la campagne.

Entre un retrait massif et trop rapide, qui aurait été vu comme un départ précipité, et n’aurait pas été accepté par l’armée, et un départ trop lent, Barack Obama a donc choisi de décevoir un peu son camp, note un éditorialiste du Washington Post. Ce qui n’empêche pas une réaction négative aussi du côté de l’armée. Jeudi, le chef d'état-major interarmes américain, Michael Mullen, a dit être en désaccord sur la portée du retrait d'Afghanistan et indiqué que les GI's n'allaient pas "se ruer vers la sortie" au lendemain de l'annonce du président.