Affrontements anti-G20 : qui sont les activistes extrémistes présents à Hambourg ?

La police de Hambourg, mise à rude épreuve par les manifestations contre le sommet du G20, a demandé vendredi des renforts d'autres unités dans le pays.
La police de Hambourg, mise à rude épreuve par les manifestations contre le sommet du G20, a demandé vendredi des renforts d'autres unités dans le pays. © John MACDOUGALL / AFP
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T.M. , modifié à
L'ouverture du sommet du G20, vendredi à Hambourg, a été marquée par des heurts particulièrement violents en marge des manifestations. Quelque 8.000 militants sont dans le viseur des autorités.

"Bienvenue en enfer". Le message érigé en slogan par les opposants au G20 a le mérite d'être clair : les chefs d'État et de gouvernement réunis vendredi et samedi à Hambourg ne sont pas les bienvenus en Allemagne. Les mots n'ont d'ailleurs pas mis longtemps à se transformer en actes. Dès jeudi soir, des échauffourées ont éclaté dans les rues de la ville portuaire, avant de reprendre au petit matin. Bilan : au moins 111 blessés légers parmi les forces de l'ordre. Celles-ci ont immédiatement condamné "les attaques massives de groupes d'extrémistes violents". Estimés à 7.000 ou 8.000 par les autorités allemandes, ces activistes d'ultragauche autoproclamés "Black Blocs" s'avèrent relativement organisés.

Hambourg, bastion de la contestation anti-capitaliste

Alors qu'au total, 100.000 personnes devraient battre le pavé sur plusieurs jours, les autorités redoutent tout particulièrement la présence de ces "Black Blocs", dont les membres, dissimulés sous des cagoules ou des masques, surgissent dans les cortèges pour en découdre avec la police. Une crainte d'autant plus vive que Hambourg est un bastion de la contestation violente.

"C'est à Hambourg qu'a été créé le 'Black Block', dans les années 1970. Historiquement, les groupes d'extrême-gauche y ont été très actifs. Le choix de la ville pour accueillir ce G20 a d'ailleurs beaucoup divisé", rappelle Olivier Cahn, maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise, dans le Val-d'Oise, qui s'intéresse de près à ces groupuscules antifascistes.

La fameuse manifestation "Bienvenue en enfer" est notamment l'émanation du Rote Flora (la Flore Rouge), une "alliance autonome et anti-capitaliste" issue du quartier de Schanze et déjà dans le viseur de la police en 2007, à l'occasion du sommet du G8 organisé dans la petite ville d'Heiligendamm, à deux heures d'Hambourg. La Roter Aufbau Hamburg (Structure rouge de Hambourg), un autre groupe potentiellement violent prépare également une "manifestation révolutionnaire anti-G20" vendredi. Une vidéo publiée sur Youtube, rythmée par des séquences filmant des véhicules de police, énonce clairement ses cibles. Encore une fois, le message est clair. Alors qu'une télévision diffuse des images d'Angela Merkel, de Recep Tayyip Erdogan ou encore de Donald Trump, un homme vêtu d'un sweat à capuche détruit le poste sur lequel est notée l'inscription "G20".

 

Les vidéos de ce genre, nombreuses à circuler sur Internet, témoignent du discours radicalement martial de ces groupes autonomes. C'est encore le cas du clip de G20 Entern ("À l'abordage du G20"), mettant en scène des militants, visage masqué, drapeaux rouge et fumigènes à la main, sur fond de rap bien agressif.

 

Des groupes venus d'Italie et de Scandinavie

À ces militants locaux s'ajoutent également un millier d'activistes étrangers, pour la plupart venus de Scandinavie, de Suisse et d'Italie, selon les autorités.

En 2015 déjà, des centaines d'autonomes venus d'Italie avaient participé aux manifestations organisées par le mouvement Blockupy devant la banque centrale européenne à Francfort . Des manifestations qui avaient vite tourné à l'affrontement. Un véhicule avait même été incendié alors que des policiers se trouvaient encore à l'intérieur. Leurs revendications se concentrent surtout sur la question de l'asile politique en Europe. Ces groupes transalpins se battent en effet contre les expulsions, selon The Huffington Post.

Des activistes suédois, finlandais ou danois sont également annoncés dans les cortèges. L'Alliance révolutionnaire nordique autonome (Arna), qui rassemble plusieurs groupuscules d'extrême gauche a même affrété des cars pour emmener les manifestants à Hambourg.

Enfin, un autre groupe inquiète les pouvoirs publics. Selon le porte-parole du syndicat de la police turque, quelque 500 nationalistes turcs, proches des mouvements kurdes hostiles au président Erdogan, seront infiltrés dans la ville.

À la recherche de l'attention médiatique

Ces groupes, bien qu'autonomes, n'en sont pas moins organisés. Jeudi après-midi, certains distribuaient même des plans de la ville indiquant les petites rues par lesquelles s'échapper, selon une journaliste de Libération présente sur place. D'autres avaient inscrit sur leur bras le numéro de téléphone d’un avocat à contacter en cas d'arrestation.

Mais pourquoi se manifestent-ils particulièrement lors des sommets internationaux (voir encadré) ? Outre le capitalisme qu'ils combattent et que symbolisent ces réunions entre les puissants de notre planète, ceux-ci leur offrent plusieurs avantages. "D'abord celui de réunir un grand nombre de personnes en contre-sommet", détaille Olivier Cahn. "Ensuite, celui d'attirer l'attention médiatique. S'ils font une manifestation, ils savent que cela ne sera l'objet que d'une image dans le journal. Mais si des affrontements avec la police ont lieu et qu'il y a des blessés, alors ils auront trois à quatre minutes qui leur seront consacrées, ce qui leur permet de faire entendre leur contestation, d'une certaine manière", continue l'universitaire, qui précise que ces activistes "n'interviennent que lorsqu'ils considèrent que la réaction de la police va être tellement violente que cela va leur attirer le soutien d'une partie de l'opinion".

La ville en état d'alerte

Face à la menace que représentent les "Black Blocs" – et le contexte terroriste - un arsenal sécuritaire particulièrement important a été déployé dans le centre-ville. Quelque 20.000 policiers venus de toute l'Allemagne et l'Autriche sont mobilisés. Avec 28 hélicoptères, 185 chiens et 3.000 véhicules, ils sont chargés d'assurer la sécurité d'un sommet déjà très tendu. Et ne sont pas au bout de leur peine : la plus grande manifestation en nombre est attendue samedi. La police de Hambourg a déjà demandé des renforts.

 

Des sommets internationaux souvent émaillés de violences

Les grands sommets internationaux se sont traditionnellement accompagnés de manifestations altermondialistes, qui ont souvent dégénéré en violences :

  • En 1999, 40.000 personnes défilent dans les rues de Seattle, provoquant l'échec de la conférence ministérielle de l'OMC. Près de 400 personnes sont interpellées et l'état d'urgence est décrété.
  • En avril 2001, à Gênes, en Italie, ils sont près de 300.000 à battre le pavé en marge du G8. Au terme de trois jours d'émeute et de répression, le bilan est d'un mort, 600 blessés du côté des manifestants et près de 200 voitures brûlées. Amnesty International condamne alors "la plus grave atteinte aux droits démocratiques dans un pays occidental depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale".
  • Quelques années plus tard, en 2007 à Heiligendamm, en Allemagne, un millier de personnes, dont 430 policiers, sont blessées dans des heurts entre activistes des "Black Blocks" et forces de l'ordre, à la fin d'une marche pacifique anti-G8.
  • À Londres, en 2009, en marge d'un défilé contre le G20, des manifestants s'en prennent à une banque du centre-ville. Un passant, frappé et jeté au sol par un policier, succombe à une hémorragie interne. Trois jours plus tard, lors du sommet de l'Otan à Strasbourg, 2.000 membres des "Black Blocks", cagoulés et armés de barres de fer, incendient plusieurs bâtiments. Une centaine de policiers sont blessés et 330 personnes interpellées. En décembre, le sommet sur le climat à Copenhague donne également lieu à des manifestations et des débordements. Au total, environ 1.800 personnes seront interpellées.