Quand les géants du Web préfèrent l’Irlande

L'entrée du siège de Google France, à Paris
L'entrée du siège de Google France, à Paris © REUTERS
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Johann Mise , modifié à
Pourquoi les grands groupes du Net ont-ils tous leur siège en Irlande ? Éléments de réponse.

Le Canard Enchaîné du jour épingle Google, sous le coup d’une enquête du fisc français qui lui réclame 1 milliard d’euros pour des transferts entre la branche française et sa holding irlandaise. Mais le géant du Web n’est pas l’unique acteur du secteur High-Tech qui profite du faible taux d’imposition proposé aux entreprises par l’Irlande : Facebook, Apple ou encore Twitter ont également choisi ce pays du nord de l’Europe. Pourquoi ? Quels sont les enjeux ? Y a-t-il des exceptions ?

Taux d’imposition : 12,5% en Irlande contre 34,43% en France

Google, Facebook, Apple, Twitter : qu’ont en commun ces quatre géants du Web ? Ils ont tous opté pour l’Irlande pour leur siège européen. Non pour le rugby, non pour la bière ni pour les verts pâturages, mais bien pour des raisons fiscales. En effet, le taux d’imposition est de seulement 12,5% contre 34,43% (taux global) en France ou encore 24% au Royaume-Uni.

Mais comment ces grandes entreprises, aux millions d’euros générés chaque année, parviennent-elles à justifier des bénéfices en France pour ne payer des impôts qu’en Irlande ? "Il suffit que la régie publicitaire soit domiciliée en Irlande", explique Olivier Bomsel, professeur d’Économie et directeur de la Chaire ParisTech d’Économie des médias et des marques, contacté par Europe1.fr. "Certaines entreprises, comme Google, possèdent une filiale au Pays-Bas. Or il y a entre les Pays-Bas et l’Irlande une convention d’exportation des résultats entre l’Irlande et les Îles Vierges, un autre paradis fiscal", affirme l’économiste.

La Commission européenne se penche sur le problème de la TVA

Il y a également la TVA : la réglementation veut que la Taxe sur la Valeur Ajoutée se paye sur le pays de consommation du produit final. Mais depuis l’arrivée des produits dématérialisés, il est désormais possible pour une entreprise de payer selon la législation du pays de vente de ce produit. Un point sur lequel la Commission européenne s’est penchée : "Désormais, la TVA a été rapatriée dans le pays de consommation du produit. Mais l’Irlande et le Luxembourg ont fait pression et sont parvenus à repousser cette décision à l’horizon 2018/2019", éclaire pour Europe1.fr Olivier Bomsel.

"Il faudrait une harmonisation de la base de l’impôt sur les sociétés. Actuellement, il existe une possibilité pour les entreprises qui le souhaitent d’adhérer à un impôt mixte entre les pays. Mais comme il s’agit d’une option, aucune société ne l’applique", nous confie Vincent Drezet, porte parole du Syndicat national unifié des impôts (SNUI).

L’exception Amazon ?

Certaines entreprises ont cependant misé sur une autre stratégie : Amazon a ainsi installé une plate-forme logistique à Chalon-sur-Saône en juin dernier, créant ainsi 500 emplois directs. Un troisième site de gestion des livraisons de ses produits (livres, DVD ou disques) après les entrepôts d’Orléans et de Montélimar. Enfin un contre-exemple à la grande évasion fiscale ? Pas vraiment, puisque Amazon paie bien des impôts en France mas pour des chiffres étonnamment bas : 25 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009 pour un volume d’activité de… 930 millions d’euros.

En effet, Amazon rapatrie l’essentiel des revenus engrangés en France au Luxembourg : l’impôt sur les sociétés y est taxé à hauteur de 21.8% contre 34.3% en France. En juin dernier, lors de l’annonce de l’arrivée d’Amazon à Chalon-sur-Saône, le cabinet du ministre du Redressement productif avait annoncé « se saisir de ce problème, qui dépasse largement Amazon. La règle est que la richesse produite en France soit taxée en France ». Google est le premier acteur du marché à en faire les frais à travers cette enquête, mais nul doute qu’Amazon, Facebook, Twitter et consorts devraient également être concernés dans les mois à venir.