Viols en forêt de Sénart : comment les enquêteurs ont remonté la piste du suspect

Une forêt
Une forêt (photo d'illustration) © AFP
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CB avec Guillaume Biet et AFP
De nouvelles techniques d'enquête ont permis d'identifier l’ADN du violeur en série présumé jusqu'alors inconnu.

Il a fallu 20 ans aux enquêteurs pour remonter jusqu'à lui grâce à son ADN. Un homme de 40 ans a été mis en examen et placé en détention provisoire pour 34 viols, tentatives de viols et agressions sexuelles entre 1995 et 2000 dans l'Essonne. Le présumé violeur en série vient de passer sa toute première nuit en prison. De nouvelles techniques d'enquête ont permis d'identifier son ADN jusqu'alors inconnu.

Il simulait une panne de cyclomoteur. La plupart des faits ont été commis selon le même mode opératoire, décrit mercredi par le procureur de la République d'Evry. L'homme "circulait sur un cyclomoteur dans les allées interdites à la circulation de la forêt" et "repérait sa victime", détaille Eric Lallement. "Après un premier passage (...) il simulait une panne de cyclomoteur puis lorsque (la victime) s'approchait, il se jetait sur elle et lui donnait des coups de poing avant de commettre" ses méfaits.

Pas de fichier national à l’époque. Malgré l'ampleur des faits, impossible d'établir un portrait-robot. L'homme, âgé de 20 ans à l’époque des faits, porte toujours un casque. Quant à l'ADN prélevé sur 14 des scènes de crime, du sperme et une montre perdue lors d'une agression, il ne permet là non plus aucune identification. Plusieurs fois la police l’avait pourtant arrêté pour de petites affaires, mais jamais il n’a été condamné. A la fin des années 90, il n’y avait en effet pas de prélèvement ADN sur les gardés à vue, le fichier national n’existait pas.

Le rôle clé de la méthode parentèle. C’est pourquoi il a fallu 15 ans pour enfin mettre un nom sur le profil génétique de l’agresseur. En 2009, "dans le cadre d'une information judiciaire distincte, une nouvelle extraction d'ADN sur un scellé conservé en laboratoire (est) réalisée avec des techniques encore plus avancées", poursuit Eric Lallement. Ce prélèvement doit cette fois-ci permettre une comparaison optimale avec les ADN du Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg), ainsi qu'avec les bases internationales, mais il ne donne rien.

Il faut attendre 2014 pour que le juge d'instruction en charge de l'information judiciaire ouverte en 2009 propose de rouvrir le dossier des viols de la forêt de Sénart : il veut réaliser une "recherche en parentèle". La technique, encore récente, consiste à comparer l'ADN retrouvé sur une scène de crime avec des ADN proches présents dans les fichiers, susceptibles d'être issus de la même parenté.

Son frère permet de l’identifier. C’est donc en élargissant les recherches ADN sur de possibles membres de sa famille que les policiers sont tombés sur son frère, condamné en 2004 à 12 ans de prison pour meurtre. Ils ont ainsi pu remonter jusqu’au suspect, marié depuis 2010, intérimaire, âgé de 40 ans. Interpellé lundi à Roubaix, où il réside, le jour de son retour d'Algérie par un vol passé par Bruxelles, son ADN est immédiatement comparé : il "correspond exactement" aux traces inconnues.

"Un message de soulagement pour les femmes agressées". Le fruit d’un travail d’enquête minutieux, qui constitue un signal positif envoyé aux victimes, selon Franck Douchy, le directeur régional de la PJ de Versailles. "Je pense que c’est un message de soulagement pour les femmes qui ont été agressées. Et aussi un message d’encouragement à leur destination pour leur dire qu’on ne lâche jamais l’affaire. On pense toujours à elles. On a que de cesse d’arrêter l’auteur qui les a agressées", réagit-il au micro d’Europe 1.

Face aux policiers et aux preuves ADN, le suspect n’a pas nié les faits. Mais il prétend qu’"il consommait beaucoup de produits stupéfiants et qu'il avait des troubles de mémoire", rapporte le procureur.