Une association française a-t-elle financé le djihad en Syrie ?

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Perle d’espoir a acheminé de l’argent pour venir en aide au peuple syrien. Mais une partie de l’argent aurait été alloué à un groupe de combattants anti-Assad.

L'affaire illustre le glissement entre engagement humanitaire et engagement aux côtés des combattants syriens. L'association française Perle d'espoir, créée en 2012 pour venir en aide aux peuples palestinien et syrien, est soupçonnée d'avoir profité de ses convois humanitaires pour financer des groupes de combattants syriens. Dans le cadre de cette enquête ouverte en avril dernier, les deux principaux dirigeants de l'association ont été mis en examen vendredi pour financement du terrorisme et association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.

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Des liens douteux avec un groupe salafiste. L'aventure Perle d'Espoir débute le 10 janvier 2012. Yasmine Z., la présidente âgée de 34 ans, déclare son association à la préfecture. Sur le papier, le projet est louable : venir en aide aux peuples palestinien et syrien à travers des actions valorisant l’éducation, la santé, le “civisme” et la “démocratie”, rapporte Le Monde. Mais pour effectuer leur premier convoi, les membres de l’association nouent des liens douteux avec des combattants du Front islamique. Un groupe de rebelles salafistes, non djihadistes, mais dont certains membres se sont rapprochés localement d’Al-Nosra, un groupe djihadiste affilié à Al-Qaïda.

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Selon les services de renseignement français, si du matériel humanitaire a bien été acheminé en Syrie, l’un des membres de l’association en aurait également profité pour nouer des contacts avec des combattants syriens du Front islamique. En attestent, les propos tenus par Nabil O., le responsable opérationnel, chargé d’acheminer les convois humanitaires. A son retour, le jeune homme, âgé de 22 ans, se serait vanté d’avoir noué des contacts avec des “moudjahidin” et reçu un entraînement au maniement des armes, indique encore Le Monde.

4.000 alloués aux combattants syriens. Les soupçons des enquêteurs de la police judiciaire et de la sous-direction antiterroriste et la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) se précisent lors du second convoi, effectué le 9 octobre. Après le lancement d’une opération baptisée “un mouton pour l’Aïd”, l’association a recueilli près de 10.000 euros pour son second convoi. De l’argent recueilli grâce à un appel aux dons lancé sur Internet et aux abords des mosquées d'Ile-de-France. Selon les enquêteurs, seulement 6.000 auraient été consacrés à l’achat des moutons. La somme restante aurait été remise aux combattants du Front islamique.

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Repéré par ses statuts Facebook. Le 14 janvier, les avoirs de Perle d’espoir sont gelés sur décision administrative, avortant ainsi le projet d’un troisième convoi humanitaire. Décu, Nabil O. décide de se rendre seul en Syrie. Et c’est sur les réseaux sociaux que les enquêteurs constatent sa radicalisation. Fin janvier, une fois en Syrie, il actualise son profil Facebook. Sa nouvelle profession ? “Soldat, à Idlib”. Etudes ? “Engin explosif à université Al-Azhar de Gaza”. Désormais, ses publications sur le réseaux social s’accompagnent de photos de décapitations et de drapeaux noirs des djihadistes. Les enquêteurs constatent son basculement dans la doctrine djihadiste en lisant le statut suivant : “si le Front islamique attaque Al-Nosra, nous irons avec Al-Nosra.”

Finalement, Nabil O. rentre en France en juillet dernier, où il est interpellé et incarcéré à la suite d’une condamnation de droit commun prononcée avant son départ. Lors de sa garde à vue, il a seulement indiqué qu’il avait rejoint un groupe de combattants syriens, qui n’est pas considéré comme terroriste. La présidente de l’association, elle, a été remise en liberté et placée sous contrôle judiciaire. En attendant, l’enquête se poursuit, notamment pour établir l'usage final de fonds récoltés par l’association.