"Tournantes" : les raisons d'un "fiasco"

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Frédéric Frangeul , modifié à
Sur les quatorze accusés renvoyés en cour d’assises, dix ont été acquittés jeudi. Un fait rare.

"Je ne vois pas le sens de cette décision", a commenté un avocat de la défense. "C'est un délibéré mi-figue, mi-raisin", a déploré une avocate des plaignantes. Les parties civiles et la défense ont réagi avec le même sentiment d'incompréhension, jeudi, à l'énoncé du verdict dans le procès des tournantes dans des cités de Fontenay-sous-Bois où quatre accusés ont été condamnés et dix autres acquittés.

Quelles sont les raisons d’un tel "naufrage judiciaire", selon l’expression employée par une des avocates des plaignantes. Europe1.fr revient sur les éléments-clé qui ont conduit à ce verdict.

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Une instruction mal ficelée.  "L'instruction a été extrêmement mal faite, tout le monde a pu s'accorder sur ce point", a commenté Laure Heinich, l'avocate des deux jeunes filles. "L'accusation n'a pas été portée comme elle aurait dû être portée", a-t-elle déploré sur France Info. Pour Me Alexandre Deviller, dont le client fait partie des condamnés, le dossier  était "vide et bâclé". Selon lui, ce procès s’est révélé être un "fiasco" dont la cause est à chercher dans le fait qu'on a "médiatisé cette affaire dès les interpellations".

Des faits vieux de treize ans. L'affaire, concernant des viols collectifs présumés commis entre 1999 et 2001, a éclaté en 2005, c'est-à-dire 6 ans après les faits. Il s'est donc avéré très délicat de prouver les faits. De plus, 13 ans après les faits, Nina, l'une des victimes a indiqué à l’audience n’avoir plus aucun souvenir de deux des accusés. Aurélie*, l’autre plaignante, a d'ailleurs confié à Europe 1 ses regrets quant à la durée de la procédure judiciaire :  "Treize ans après, comment voulez-vous qu'on se souvienne de tel ou tel détail ? Cela été trop long", déplore-t-elle.

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Des plaignantes absentes à l’audience. Dans un dossier de ce type, sans preuve matérielle, la parole des plaignantes est cruciale. Or, les deux jeunes filles ont été absentes du procès la plupart du temps. Et, lorsqu’elles étaient là, leurs affirmations étaient floues. Dans ces conditions, il a été délicat pour les jurés de se faire une opinion claire de ce qui s'est passé. Et, dans ce cas, le doute profite aux accusés.

La parole des plaignantes mise en doute : "Elles ont vécu ce procès comme une négation absolue de leur personnes et une négation absolue de leur parole", a fait valoir Clothilde Lepetit, avocate de Nina, au micro d'Europe 1. Durant les débats, Aurélie, l’autre plaignante a dû reconnaître qu’elle avait menti sur des fausses accusations de viols en 1996, à Colombes, dans les Hauts-de-Seine. Les plaignantes ont été qualifiées de "menteuses" et de "nymphomanes" par les accusés lors du procès, rapporte avec regrets l'une de leurs avocates.

* Elle a été prénommée Stéphanie durant le procès à huis-clos pour protéger son identité.