L'info. C'est l'unique copie manuscrite des Mémoires d'outre-tombe de François-René Chateaubriand. Un petit bijou de l'histoire de la littérature dont un notaire parisien pensait être l'heureux propriétaire. Mais ce dernier est convoqué, jeudi, devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir tenté de le vendre aux enchères.
Un manuscrit transmis de génération en génération… Déposé chez un notaire en 1847 dans le cadre d'un contrat avec l'éditeur et gardé sous coffre, le manuscrit en question a été écrit par des secrétaires et signé de la main de Chateaubriand. Il s'est transmis de génération en génération, jusqu'à l'étude notariale de Pascal Dufour. Ce dernier, descendant de Jean Dufour, qui avait succédé au tout premier notaire, décide en 2012 de le vendre. Ce sont ainsi 3.514 pages reliées en 10 volumes qui sont mises aux enchères publiques.
… Aujourd'hui, sous scellé à la BNF. Le manuscrit, dont la vente est fixée au 26 novembre 2013 à l'hôtel Drouot, est estimé entre 400.000 et 500.000 euros. Mais au dernier moment, la société organisatrice annonce une cession de gré à gré auprès de la Bibliothèque nationale de France (BNF). La ministre de la Culture de l'époque, Aurélie Filipetti, salue alors une "acquisition exceptionnelle" de l'État, "à la suite d'un accord amiable avec le propriétaire". Mais finalement, la transaction n'a pas lieu et le manuscrit se trouve toujours sous scellé à la BNF, a indiqué Me Patrick Maisonneuve, l'avocat du notaire.
Dépositaire, mais pas propriétaire. Car en parallèle, les faits ont été signalés au parquet de Paris qui a ouvert une enquête. A l'issue de celle-ci, le parquet a considéré que le notaire n'était qu'un dépositaire du manuscrit et non son propriétaire. Autrement dit, que Pascal Dufour n'avait en aucun cas le droit de vendre cette copie manuscrite des Mémoires d'outre-tombe.
C'est pourquoi le notaire est jugé pour abus de confiance aggravé au préjudice de la succession de François-René de Chateaubriand, plus précisément un descendant du frère aîné de l'écrivain et homme politique français. Ironie de l'histoire, cet héritier n'est autre qu'un parent éloigné… de l'épouse du notaire. Son avocate, Me Hélène Poivey-Leclercq, a néanmoins précisé qu'il n'avait pas porté plainte.
A qui appartient alors le manuscrit ? L'avocat du prévenu plaidera la relaxe. "Le manuscrit n'était pas en dépôt à l'étude, mon client en était bien propriétaire car l'éditeur avait abandonné le manuscrit" après la mort de l'écrivain, a assuré Me Patrick Maisonneuve. "Mon client est de bonne foi. Il ne s'est pas caché pour cette vente et sa démarche était totalement transparente", a-t-il ajouté. Mais alors, à qui appartient le manuscrit ? Pour Me Maisonneuve, qui souligne que Chateaubriand a cédé son œuvre à son éditeur, il n'appartient certainement pas aux héritiers de l'écrivain.