Protection de la vie privée : le droit français dépassé ?

Malgré les condamnations en justice, le numéro de Closer a permis au magazine d'engranger des recettes exceptionnelles.
Malgré les condamnations en justice, le numéro de Closer a permis au magazine d'engranger des recettes exceptionnelles. © Reuters
  • Copié
, modifié à
LE POINT DE VUE DE - Closer a été condamné jeudi à verser 12.000 euros à Valérie Trierweiler. Mais pour Maître Fourrey, le droit français a ses limites.

Calcul rationnel.  Entre les 12.000 euros de dommages et intérêts versés à Valérie Trierweiler pour un article sur ses vacances à l'Ile Maurice, et des ventes qui doublent (de 333.000 à 610.000 pour le numéro qui a révélé l’idylle entre François Hollande et Julie Gayet), le calcul est vite fait pour Closer. Mieux vaut risquer une condamnation. Le droit-français est-il dépassé en terme de protection de la vie privée: Europe1.fr a posé la question à Maître Fourrey, avocat au barreau de Lyon spécialisé dans le droit de la communication et sur les questions de liberté d'expression.

OK

Des dommages et intérêts limités. En France, la loi du 17 juillet 1970 qui donne le droit à chacun "au respect de sa vie privée" prévoit d’infliger des dommages et intérêts aux journaux qui iraient trop loin dans l’intimité des personnes. "C’est ensuite au juge de s’adapter et de fixer leur montant suivant le préjudice" explique à Europe1.fr Maître Thomas Fourrey. Le hic, c’est que ces dommages et intérêts "sont là pour réparer le préjudice, on n'est pas aux Etats-Unis où ils sont beaucoup plus élevés car ils ont également une valeur punitive", complète l’avocat au barreau de Lyon spécialisé dans le droit des médias . 

Des actions en justice "pour le symbole". Outre l’évolution du paysage médiatique et la concurrence croissante entre les journaux pour doper leurs ventes, les sanctions prévues par le droit français ne découragent pas vraiment les journaux people. "La vraie question en matière de protection de la vie privée porte sur l’effectivité du droit. Maintenant, vu l’attractivité de la presse people, c’est peut-être dépassé, vu la diffusion de ces médias, les montants des dommages et intérêts sont dérisoires par rapport aux bénéfices engendrés", constate Maître Fourrey. De la même façon, les personnes qui portent plainte comme Valérie Trierweiler et Julie Gayet ne lancent pas d’action en justice pour les réparations financières, mais plus "pour le symbole".

Une question complexe. Pour autant, considérer que les dommages et intérêts sont simplement destinés à dédommager une victime du préjudice ne semble pas illégitime. Mieux, cela permet d’éviter à la justice de devoir traiter nombre de recours abusifs, simplement motivés par l’appât du gain. Maître Fourrey juge le recul de la vie privée "inévitable". Il pose la question de l’adaptation du droit aux évolutions des médias et de la société. Selon un article publié sur le site du cabinet d’avocats Pigeon-Bormans, cette question poursuit les juristes depuis des centaines d’années déjà, puisqu’en 1858, avant même la généralisation de la photographie, les juges avaient reconnu l’existence d’un droit à l’image suite à l’affaire Rachel : l’histoire d’un tableau représentant un artiste sur son lit de mort. Si depuis, les paparazzi ont remplacé les peintres, la question des frontières de la vie privée demeure. 

sur le même sujet, sujet,

AFFAIRE CLOSER - Le magazine condamné à verser 12.000 euros à Valérie Treirweiler

DEUXIÈME PROCÈS - Julie Gayet aussi demande réparation

ZOOM - Avec le Closergate, un verrou a sauté