Procès Junca : "les coups de marteau, c'est moi qui les ai portés"

Le principal suspect dans le meurtre d'Alexandre Junca est arrivé le visage dissimulé à la cour d'assises de Pau, mardi 7 juin.
Le principal suspect dans le meurtre d'Alexandre Junca est arrivé le visage dissimulé à la cour d'assises de Pau, mardi 7 juin. © AFP
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Stéphane Place et C.P.-R. , modifié à
Le procès des meurtriers du jeune Alexandre Junca, tué en 2011 à l'âge de 13 ans, s'est ouvert mardi matin, à Pau, dans une ambiance lourde. 

Il a décrit les faits presque minute par minute, au bord de l'insoutenable. Mardi, au premier jour du procès du meurtre d'Alexandre Junca, le principal accusé est revenu sur les coups mortels portés à l'adolescent de 13 ans, le soir de cet effroyable 4 juin 2011, dans le centre-ville de Pau. La découverte du corps démembré de la jeune victime, trois semaines plus tard, avait suscité une émotion considérable dans la préfecture du département, où une marche blanche avait réuni plus de 4.000 personnes.

"Je suis devenu un monstre avec l'alcool". Déjà dans la matinée, l'émotion dans la salle d'audience s'était muée en silence de sépulcre, lorsque le président de la cour d'assises des Pyrénées-Atlantiques, Francis Bobille, avait rappelé le déroulement de ce crime effroyable devant les quatre accusés. A la lecture des faits, le suspect principal Mickaël Baehrel baissait les yeux au sol. Dans la salle, une jeune fille a dû être évacuée après avoir fait un malaise. 

L'après-midi, l'effroi a continué de glacer la cour lorsque Michael Baerhel, habilement interrogé par le président, a décrit le "déchaînement de violences" qui l'a vu porter les coups de marteau mortels sur Alexandre. Après avoir d'abord raconté sa vie d'errance, sur fond d'alcool et de cannabis, de foyer en hébergement social, Mickaël Baehrel est revenu sur le soir du drame. J'avais "énormément bu, pris de la drogue", indique-t-il. "L'alcool m'a rendu violent. Je suis devenu un monstre avec l'alcool". 

"C'est une honte pour moi". Complètement ivre, le SDF assiste au vol du téléphone portable de l'adolescent. Ce portable, c'est le premier téléphone que ses parents ont offert à Alexandre, à Noël, après de bons résultats scolaires. C'est lui qui sera à l'origine de l'agression mortelle. Christophe Camy le tien dans sa main, ce soir du 4 juin 2011. Après avoir attaché son vélo, Alexandre serait venu vers les deux acolytes pour tenter de le récupérer.

Mais sans que l'on parvienne à vraiment à en cerner la raison, se produit alors un "déchaînement de violence" dont Baerhel reconnaît être l'auteur. Les premiers coups partent, avec un marteau qu'il portait sur lui. "Les coups de marteau, puis de poing, de pied, c'est moi qui les ai portés", concède-t-il. "Je suis impardonnable, inexcusable. Il ne m'a rien fait. Je n'arrive pas à expliquer pourquoi je suis arrivé à un tel niveau de violences, c'est une honte pour moi", déclare l'accusé. Des coups sont aussi portés par Christian Pierre - un autre marginal décédé depuis -, tandis que Christophe Camy, apeuré, prend la fuite.

Ducos "est parti avec le corps dans le coffre". Le corps de l'adolescent, enroulé dans une couette, est alors transporté dans l'immeuble qu'habite l'ex-petite amie de Baerhel, Fatima Ennajah. Il y est caché jusqu'au lendemain. Là, l'accusé principal dit avoir appelé Claude Ducos, le retraité avec lequel il entretient des relations tarifées – Ducos lui donne de l'argent en échange de fellations. "C'était plus forcé que consenti", mais "il m'a beaucoup aidé financièrement [...] Quand j'avais besoin de lui, il faisait tout!", assure le jeune marginal. Ducos "a dit qu'il allait m'aider. Il est parti avec le corps dans le coffre de sa voiture", développe Mickaël Baehrel. Jusqu'à un nouveau rendez-vous, quelques jours plus tard, avec le chasseur de 76 ans pour aller cacher le cadavre dans le gave de Pau. "Je ne savais pas qu'il l'avait démembré", se souvient Baerhel. Assis à côté de lui,son ex-amant fait "non" de la tête.

Dignes, au deuxième rang, les proches d'Alexandre encaissent ce récit sordide et contiennent tant bien que mal leur douleur. Le père, Philippe, sert fort la main de la sœur de l'adolescent, Maeva. La mère, Valérie Lance, est en larmes.

Deux marginaux, une femme, un retraité

C'est dans une salle d'audience comble à l'atmosphère lourde et pesante que les quatre accusés ont pris place, mardi matin. Qui sont-ils ? Enonçant mécaniquement son nom et  semblant un peu perdu, Christophe Camy, 28 ans, était aux côtés de Mickaël Baehrel, 30 ans. Les cheveux ras et les yeux cernés, ce dernier est le principal accusé de l'affaire, celui soupçonné d'avoir porté les coups mortels à Alexandre. Tous deux sont jugés pour "vol avec violences ayant entraîné la mort", des faits passibles de la réclusion à perpétuité.

A leurs côtés, l'ex-compagne de Mickaël Baehrel, Fatima Ennajah. De 20 ans son aînée, elle comparaît, elle, pour "recel de cadavre" et "non-dénonciation de crime". Enfin, le retraité de cette bande de marginaux, Claude Ducos, est soupçonné lui de les avoir aidés à faire disparaître le corps, et est jugé à ce titre pour "recel de cadavre, atteinte à l'intégrité d'un cadavre, destruction de preuve et non-dénonciation de crime". Agé de 76 ans, cet ancien amant de Mickaël Baehrel est le seul à comparaître libre. Il encourt trois ans de prison, comme Fatima Ennajah.