Procès de Moirans : la "rage" des émeutiers projetée au tribunal

Procès Moirans
Les prévenus quittent la salle d'audience à l'issue de la première journée du procès © JEAN PIERRE CLATOT / AFP
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"Je vais cramer la mairie !" Les spectaculaires images des émeutes de Moirans en octobre 2015, à l'origine d'une vive polémique, ont fait irruption lundi au tribunal correctionnel de Grenoble, où sont jugés douze suspects.

Deux immenses panaches de fumée noire s'élèvent dans le ciel de Moirans, petit hameau jusque-là paisible au nord de Grenoble. Sur la vidéo tournée par un hélicoptère de la gendarmerie le 20 octobre 2015, et projetée dans la salle d'audience au premier jour du procès, des groupes d'hommes cagoulés et gantés courent de la route départementale à la voie ferrée qui la longe. Entre les deux barricades fumantes, un camp de gens du voyage sédentarisés. C'est de là que sont partis, vers 15h, plusieurs dizaines d'émeutiers, bientôt rejoints par des jeunes de quartiers alentour ou d'autres communes.

La raison de leur colère : le refus d'un juge d'autoriser la sortie de prison du jeune Mike Vinterstein, 24 ans, pour assister aux obsèques de son frère de 17 ans, mort quelques jours plus tôt à bord d'une voiture volée au cours d'un cambriolage. Les voitures brûlent déjà depuis plusieurs heures sur la route départementale 1085 quand les émeutiers se mettent à jeter du matériel de chantier et des poubelles sur la voie ferrée. Quelques hommes en survêtement poussent une voiture sur la voie SNCF Lyon-Grenoble et y mettent le feu en lançant doigts et bras d'honneur au gendarme qui les filme depuis le ciel.

Les gendarmes battent en retraite. Un chariot élévateur conduit par un émeutier prélève même une voiture sur le parking de la gare pour la jeter sur la voie ferrée. Deux autres voitures sont brûlées près du restaurant de la gare, qui manque de prendre feu. Les pompiers, en retrait, ne peuvent intervenir. Les émeutiers ont menacé de mettre le feu à leur camion.

Quant aux forces de l'ordre, elles sont quasiment absentes, à l'exception d'une camionnette de gendarmerie stationnée à plusieurs centaines de mètres de la barricade sur la RD 1085. A la gare, deux gendarmes font une brève apparition mais doivent battre en retraite quand ils se retrouvent entourés d'une dizaine d'hommes menaçants.

" J'avais la rage, la haine "

Le calme ne sera rétabli qu'après de longues heures, grâce aux renforts de quelque 200 gendarmes et policiers. Aucune interpellation n'aura lieu le jour des faits, ce qui vaudra au gouvernement d'être taxé de "laxisme" par l'opposition. Dès 14h30, le préfet de l'Isère avait pourtant été prévenu que des membres de la communauté des gens du voyage menaçaient de bloquer la voie ferrée, a rappelé la présidente du tribunal.

Les prévenus nient les faits. "Je vais cramer la mairie, le personnel et toi avec !", lance ainsi Adèle Vinterstein, mère de Mike, à une standardiste de la mairie dans l'après-midi. Selon un autre témoin, elle menace aussi de mettre le feu à la gare. Dans la foulée, elle appelle la préfecture et des journalistes.

"Je n'ai absolument rien fait ce jour-là. Je ne me souviens plus de rien, je n'ai rien d'autre à ajouter", a déclaré Mme Vinterstein, vêtue de noir et les yeux fermés, lundi à la barre, avant de quitter la salle d'audience après quelques minutes d'interrogatoire. La plupart des prévenus, trois femmes et neuf hommes de 18 à 58 ans, dont un seul détenu, nient toute participation aux faits, hormis un simple rôle de spectateur. Ils encourent dix ans de prison.

La plus âgée, Thérèse Cornero, une petite retraitée aux cheveux courts, grand-mère de trois petits-enfants, est une des rares à avoir reconnu un rôle dans les émeutes. "J'avais  la rage, la haine, je vous le dis franc!", a-t-elle répété à la barre.