Policiers tués sur le périphérique : aux assises, récit de la course-poursuite fatale

La course-poursuite a duré huit minutes (photo d'illustration).
La course-poursuite a duré huit minutes (photo d'illustration). © PASCAL PAVANI / AFP
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avec AFP , modifié à
Les images de caméra embarquée d'un véhicule de police laisse penser que le jeune homme ivre a volontairement percuté la voiture de police.

Huit minutes de course-poursuite avant le crash fatal : la cour d'assises de Paris a reconstitué mercredi le déroulement de la soirée du chauffard qui, ivre et sans permis, a tué deux policiers en percutant leur voiture sur le périphérique parisien en 2013. Malamine Traoré, 25 ans, comparaît depuis mardi pour violence sur personnes dépositaires de l'autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner, un crime passible de 20 ans de réclusion.

Un jury sensible. Lorsque le véhicule Range Rover conduit par l'accusé apparaît comme un éclair sur les écrans de la cour d'assises, slalomant sur le périphérique entre des voitures semblant rouler au ralenti, des cris de surprise jaillissent de la salle. L'image de cet enregistrement de la caméra embarquée d'une voiture de police frappe les jurés. Quelques instants plus tard, le véhicule percute à 150 km/h la Ford Mondeo d'une brigade anticriminalité (BAC), tuant deux policiers et blessant gravement un troisième.

Acte volontaire. A la barre, le commandant Christian Le Jalle, directeur d'enquête, livre son sentiment : "Traoré ne pouvait pas ne pas savoir qu'il y avait devant lui des véhicules de police. A cet endroit, entre porte de Clignancourt et porte de la Chapelle, le tronçon est large et droit. De nuit, les gyrophares étaient visibles de loin. Il avait toutes les possibilités de calmer le jeu, mais il a poursuivi sa route pour arriver au drame que l'on connaît." Pour l'avocat de l'accusé, son client n'a aperçu la voiture des policiers qu'au dernier moment, alors qu'il doublait un camion lui masquant la vue, et n'a pas eu le temps de réagir. 

Ivre en boîte de nuit. Plus tôt dans la soirée, Malamine Traoré s'était rendu avec un ami dans une boîte de nuit proche des Champs-Élysées, Le Madam, où il avait ses habitudes. Auparavant, déboursant 50 euros, il avait loué pour la soirée le 4x4 à une connaissance, auprès de qui l'accusé, sans permis, s'était déjà procuré de grosses cylindrées. Des images d'une caméra de parking diffusées à l'audience le montrent une bouteille d'alcool à la main, arrivant vers 02h au club, où il consommera une bouteille de vodka payée 300 euros. Lorsqu'il reprend le volant avec son ami vers 05h, Malamine Traoré totalise 1,4 gramme d'alcool par litre de sang, trois fois la limite légale.

Huit minutes de poursuite. "Son véhicule, qui roule à grande vitesse et manœuvre dangereusement, est repéré par une BAC qui lui fait signe de s'arrêter. Traoré semble obtempérer, puis accélère brutalement et emprunte le périphérique porte Maillot", raconte Christian Le Jalle. L'alerte est lancée, la course-poursuite commence. Elle durera huit minutes. Une première voiture de police tente de rattraper les fuyards, mais se fait distancer. Une autre renonce à bloquer le véhicule, qui menace de la percuter pour forcer le passage, selon le directeur d'enquête.

Voiture projetée à 71 mètres. Plus en amont, deux véhicules de police, gyrophares allumés, ralentissent la circulation en roulant à 50 km/h entre les quatre voies du périphérique pour tenter de bloquer la voiture folle. Mais le 4X4 ne ralentit pas et percute l'arrière de la Ford Mondeo des victimes, la projetant à 71 mètres du point d'impact.

"Je m'arrête pas". Un message involontairement enregistré, lors de la poursuite, sur le répondeur de l'ex-petite amie du passager par son téléphone portable a été diffusé à l'audience. On y entend de la musique rap, des sirènes de police et un court dialogue entre les fuyards: "C'est les keufs", dit Traoré. "Je ne sais pas. On pourrait...", bredouille le passager. "Vas-y, tu vas voir. Je m'arrête pas. J'ai pas le permis. Là, ils me cherchent", tranche le conducteur. "Un message qui montre une détermination, une volonté de passer coûte que coûte", constate l'avocat général.