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François Coulon et , modifié à
Le 7 janvier 2015, ce policier était en patrouille à Paris. Face aux frères Kouachi, ses réflexes lui ont sauvé la vie. Sur Europe 1, il témoigne pour la première fois, un an après les attentats de Charlie Hebdo. 

Il n'oubliera jamais ce 7 janvier 2015. Bruno*, 25 ans à l'époque, était policier depuis un an seulement. Ce jour-là, c’est lui qui conduit la voiture de commissariat de quartier qui va se retrouver face à face avec les frères Kouachi, qui quittaient la rédaction de Charlie Hebdo après la tuerie qu'ils venaient d'y commettre. Bruno va alors vivre les minutes les plus angoissantes de sa vie.

"Tout bascule dans l'horreur en une demi-seconde". "Tout bascule dans l'horreur en une demi-seconde", raconte-t-il au micro d'Europe 1. "La portière avant-droite s'ouvre. Cet homme sort, il est cagoulé, et tout de suite il épaule une arme longue et tire. Mon chef de bord crie dans la voiture 'c'est eux, c'est eux !'. Il se couche sur moi et je me couche sur la boîte de vitesse. J'ai passé la marche arrière en me disant qu'il fallait sortir. J'appuie à fond."

"Ils ont tiré pour tuer"La voiture de police parvient à faire précipitamment marche arrière sur toute la longueur de la rue déserte jusqu'au boulevard Richard-Lenoir, laissant le passage aux fuyards, dont l'un continue à tirer par sa vitre ouverte. Une vingtaine de coups de feu se font entendre. "On n'avait aucune chance face à eux. Ils ont tiré pour tuer, pas pour faire peur aux policiers et les faire bouger de leur chemin. C'est une scène de terreur. C'est la mort, ni plus ni moins", se souvient Bruno.

Une balle traverse son blouson. Si le policier n'avait pas eu la présence d'esprit de faire marche arrière, "il y aurait eu trois morts en plus, c'est certain. Ils ne nous auraient laissé aucune chance. Même blessés, ils seraient venus terminer leur sale travail", estime-t-il. "J'ai quand même pris une balle qui a traversé mon blouson. Ça se joue à un ou deux centimètres. Mais ce n'était peut-être pas notre heure. Il n'y avait pas de blessé grave dans la voiture. Les blessures, ce sont des blessures de l'âme, des blessures au cœur, mentales. Ça marque une vie." C’est plus loin que les frères Kouachi abattent froidement à terre le policier Ahmed Merabet, qui tentait de les intercepter. C'était un ami proche de Bruno.

Une semaine de commémorations difficile à vivre. Dès mardi, la France va rendre hommage aux victimes des attentats du mois de janvier 2015. La période ne s'annonce pas facile à vivre pour Bruno, comme pour les autres rescapés de ces tragédies. "Ces jours-ci, ça ressurgit et ça fait du mal. La première nuit, à chaque fois que je fermais les yeux, c'était un tir. C'était les Kouachi en train de nous tirer dessus. Ça a duré deux ou trois jours." Depuis, Bruno a demandé sa mutation dans l’Ouest. Mais pas question, pour lui, de renoncer à son travail dans la police. "J'ai toujours eu envie de faire ce métier et malgré ce que j'ai vécu, je ne le quitterai pour rien au monde."

Jeudi, un an tout juste après l'attentat à Charlie Hebdo, François Hollande présentera ses vœux aux forces de sécurité engagées dans l'opération Sentinelle. Le chef de l’État s'exprimera depuis la Préfecture de police, l'endroit même où il rendit hommage aux trois policiers tués durant les attentats.

* le prénom a été changé.